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BABET.

Le jour, tout fiers de leur puissance,
Nos époux règnent sans pitié :
Par bonheur, de notre existence
Les jours ne font que la moitié.
Quand la nuit ramène en silence
Les plaisirs et l’obscurité,
Pour nous c’est alors que commence
Le quart d’heure de royauté.

SCUDÉRI.

J’ai vu tomber mon Orondate ;
J’ai vu tomber mon Oroxus ;
J’ai vu tomber mon Tiridate ;
J’ai vu tomber mon grand Cyrus :
Lui qui, pendant la cinquantaine,
En Perse régna redouté,
Ne put obtenir sur la scène
Qu’un quart d’heure de royauté.

MADEMOISELLE SCUDÉRI.

J’ai vu la beauté souveraine,
J’ai vu les plus fiers conquérans
Traiter de princesse et de reine
Des tendrons de quinze ou seize ans.
Hélas ! moi, presque douairière,
Je n’aurai pu, tout bien compté,
Attraper dans ma vie entière
Un quart d’heure de royauté.

BERTRAND.

L’avare est roi quand il entasse ;
L’amant quand on reçoit sa foi ;
L’intrigant lorsqu’il est en place ;
Pour moi, je règne quand je boi.
Si de mes jours on n’a plus guère
De quart d’heure de volupté,
On trouve encore au fond du verre
Le quart d’heure de royauté.