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BERTRAND.

De mes yeux je l’ai vu, te dis-je ;
Je l’ai vu comme je te voi. (bis.)
C’était le soir ; il faisait sombre ;
De loin j’ai cru l’apercevoir
Sous la forme d’un baudet noir…

BABET.

Vous avez eu peur de votre ombre.

BASTIEN.

C’est inconcevable, comme il est poltron, le beau-père ; à son âge, croire aux revenans !

BERTRAND.

Croire. Je n’y crois point, mais j’en ai peur.

Air : Tenez, moi, je suis un bonhomme.

Je pense que tout homme sage
Doit redouter les revenans ;
Car les morts ont trop d’avantage
Quand ils combattent les vivans.
Leur résister serait folie ;
Aussi je m’en garderais bien :
Un vivant y risque sa vie,
Tandis qu’un mort ne risque rien.

BASTIEN.

Comme je le disais, cela prouve seulement que vous êtes peureux.

BERTRAND.

Peureux ! je ne suis point peureux, mais je suis prudent, et dans cette auberge, au milieu des Pyrénées, avec toi, Babet, qui n’es pas brave, et Bastien, mon gendre futur, qui s’effraie d’un rien. On ne sait pas ce qui peut arriver.