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un mari, et un mari qui est mort encore ! Je vous demande à quoi cela sert ? Vous qui l’avez connu, monsieur, il était donc bien aimable ?

M. DE COURCELLES.

Rien d’extraordinaire. De son vivant, c’était un mari comme un autre ; mais depuis qu’il est mort, c’est bien différent ! avec le temps, et dans l’éloignement, les défauts s’effacent, les bonnes qualités ressortent, et il en résulte un portrait qui ne ressemble plus qu’en beau… Les grands hommes, les artistes et les maris gagnent cent pour cent à mourir.

SOPHIE.

Je ne conçois pas alors qu’ils tiennent à vivre.

M. DE COURCELLES.

Par habitude. Notre jeune veuve est donc toujours bien désolée ?

SOPHIE.

Je crois que cela augmente, ce qui est terrible, parce que nous autres femmes ne pouvons en voir pleurer une autre sans nous mettre de la partie, et cela me gagne malgré moi, sans que j’en aie envie.

M. DE COURCELLES.

Pauvre Sophie.

SOPHIE.

Que voulez-vous ? cela fait plaisir à madame, et je pleure vaguement, sans but déterminé, et pour les chagrins à venir : sans compter que la maison est bonne ; avec ma maîtresse, on fait ce qu’on veut, la douleur n’y regarde pas de si près ; mais je dis néanmoins que pleurer toute la semaine c’est trop fort, et que si on avait seulement le dimanche pour rire…