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et ce qu’il racontait ce matin… (il se lève.) ces regards plus doux, plus tendres… et cette lettre qu’hier soir elle a reçue… car enfin elle l’a reçue… Il est vrai que c’était dans un mouvement d’humeur contre moi ; je me le rappelle maintenant : je venais d’exciter son dépit, sa jalousie ! mais enfin ce matin elle ne m’en a point parlé ; elle a gardé le silence sur cette déclaration, et si elle ne l’aime pas, elle en est peut-être bien près. (Après avoir rêvé un instant.) À qui la faute ? Comment donc en suis-je arrivé là ? car enfin j’aime ma femme ! c’est ma première et ma seule passion. Il me semble que je ne pourrais être heureux sans elle, ni survivre à sa perte ; et cependant je me conduis comme si je ne l’aimais pas ; je lui préfère des femmes qui sont si loin de la valoir. Gervault avait raison ce matin ; je négligeais mes affaires, je me faisais du tort dans l’estime publique. Allons, il faut tout rompre. Agissons en homme, en honnête homme. Ne nous occupons plus que de mon état, de ma fortune, de ma femme ; et ma femme ne s’occupera plus que de moi. Que diable ! autrefois elle m’aimait. J’ai su lui plaire, j’ai su l’emporter sur tous mes rivaux ! Oui, mais c’est qu’alors j’étais tendre, passionné, galant, toujours de bonne humeur, toujours de son avis ; je faisais en un mot ce que fait Edmond, je lui faisais la cour ; ce qui est difficile après deux ans de mariage. N’importe ! il n’y a que ce moyen de la ramener, et puisqu’un rival se présente, sans me plaindre, sans me fâcher, ce qui me ferait passer pour un jaloux, luttons avec lui de