Page:Scribe - Théâtre, 10.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à coucher. Ce matin, en me levant, je l’aurai pris par mégarde, et la pauvre femme de chambre qu’on a grondée pour moi ! Ne laissons pas soupçonner l’innocence, (déployant le mouchoir.), et n’allons pas à propos de rien, comme un autre Othello… Eh ! mais, à propos d’Othello, qu’est-ce que j’aperçois là (il se lève.) dans le coin de son mouchoir ? (Il défait le nœud et prend un billet qu’il ouvre.) Un papier plié. Ô ciel ! l’écriture d’Edmond ! (Il lit.) « Grâce, madame, grâce pour un malheureux qui se meurt d’amour et de désespoir ! » — À qui diable s’adresse-t-il ainsi ? « N’aurez-vous pas pitié de mes tourmens, Caroline ? » — Caroline ! C’est à ma femme !….. et j’étais sa dupe ! j’étais joué, trahi par lui ! Voilà cette amitié dont je m’honorais ! Elle vous coûtera cher, monsieur le comte, et dès ce matin, ma vie ou la vôtre… (s’arrêtant.) Que dis-je ? et qu’allais-je faire ? un éclat qui va perdre ma femme ! c’est publier ma honte, c’est l’attester moi-même, c’est me déshonorer aux yeux de tout Paris ! Ces bons Parisiens sont toujours si enchantés des accidens qui arrivent aux gens de finances ! il semble que cela les console. Ne leur donnons point ce plaisir-là. (Il se rassied.) Il vaut mieux, sans explication, cesser de le voir, le bannir de chez moi. Mais s’il aime, s’il est aimé, ils se retrouveront toujours ; les obstacles ne feront qu’augmenter leur mutuelle passion. Non, non, je me trompe. Caroline ne l’aime pas encore : ce billet même me le prouve. Il se plaint de ses rigueurs, de sa cruauté ! Oui, mais c’est toujours ainsi que cela commence ;