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Scène V.

GUSTAVE, FRÉDÉRIC.
FRÉDÉRIC.

Ce cher Gustave ! quel bonheur de le trouver ! Je n’ai point oublié qu’au régiment tu étais mon guide, mon mentor ; car j’étais un peu mauvais sujet, et je n’ai jamais fait grand chose. Toi, c’est différent : tu as toujours valu mieux que moi, j’en conviens. C’est toi qui payais mes dettes, et qui m’as sauvé je ne sais combien de coups d’épées, sans compter ceux que tu as reçus pour moi ; et ceux-là, vois-tu bien (mettant la main sur son cœur), ils sont là : ça ne s’oublie pas. Mais, dis-moi un peu, depuis que nous ne nous sommes vus, il me semble que ta sagesse a pris une teinte bien rembrunie.

GUSTAVE.

Ma foi, mon cher, je crois que je deviens philosophe ; je m’ennuie : et si ce n’était pas payer tes services d’ingratitude, je te dirais que tout à l’heure j’ai été presque fâché lorsque tu as arrêté mes chevaux… Oui, mon ami, j’étais amoureux, j’ai été trahi ; ça va te faire rire : moi, ça me désole. J’ignore ce que la perfide est devenue ; je ne m’en suis point informé. J’avais réalisé quelques fonds, envoyé ma démission de secrétaire d’ambassade, et je quittais la France lorsque je t’ai rencontré.