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piquillo alliaga.

et en apercevant un étranger, un jeune homme, un militaire… elle s’arrêta toute troublée, baissant vers la terre les longs cils de ses yeux noirs, et ses joues se couvrirent d’une rougeur qui l’embellissait encore.

Fernand, qui à son arrivée avait interrompu sa phrase, était moins que jamais en état de l’achever… Troublé et interdit, il restait immobile de surprise et d’admiration, et son embarras rendit quelque confiance à la jeune fille, qui se hasarda à lever les yeux. Le beau cavalier qui était devant elle n’avait ni l’afféterie ni la fatuité des jeunes seigneurs dont elle se moquait la veille. Sa taille haute, élevée, ce front hâlé par le soleil des champs de bataille, cette noble cicatrice, cette moustache élégante, cette épée surtout sur laquelle il s’appuyait en ce moment, tout cela contrastait avec l’apparence chétive et grêle du pauvre Piquillo, avec sa tenue modeste, timide et embarrassée…

— C’est mon neveu, dit joyeusement d’Aguilar en le présentant à la jeune fille… don Fernand d’Albayda.

Aïxa tressaillit à ce nom, comme s’il lui eût rappelé quelque souvenir, et elle regarda le jeune homme avec un sentiment de curiosité qu’elle n’avait pas tout à l’heure.

— C’est mon enfant d’adoption, dit le vice-roi à Fernand en lui montrant Aïxa ; quelque jour nous te raconterons son histoire, dès que cela nous sera permis ; en attendant, c’est ma seconde fille, la sœur de Carmen… et tu ne la trouves pas mal, à ce que je vois…

— Charmante ! murmura Fernand à voix basse, en s’inclinant avec respect.

— Eh bien ! tant mieux ! s’écria le vieillard étourdiment ; tant mieux !… parce que, vois-tu bien, murmura-t-il à son oreille, Carmen est bien plus belle encore, tu la verras ! deux fois plus belle !

Le père disait vrai… il en était persuadé !

— Eh bien ! mon enfant, continua-t-il gaiement en s’adressant à Aïxa, que venais-tu me dire ? Que la présence de mon neveu ne te gène pas, nous sommes