Page:Scribe - Piquillo Alliaga, ou Les Maures sous Philippe III, 1857.djvu/367

Cette page a été validée par deux contributeurs.
361
piquillo alliaga.


Les Maures en exil.
gence coupable des rois de la terre. Il se plaignit de la tiédeur qui voulait éteindre les bûchers, que dans son zèle il cherchait vainement à rallumer. Il n’y réussit que trop bien, et il avait tellement excité les passions de la multitude et leur enthousiasme fanatique qu’un cri d’indignation, un tolle général s’élevait de toutes parts contre les Maures ; chacun dans Pampelune et dans les environs se demandait pourquoi la capitale de la Navarre n’aurait pas, comme Valence et d’autres villes privilégiées, l’avantage d’un auto-da-fé et de quel droit on la priverait de ce spectacle.

Telle était la disposition des esprits lorsque, arrivant enfin au terme de son long voyage, le roi avec toute sa cour et toute sa suite se présenta aux portes de la ville.

Cette fois, sachant combien les habitants de la Navarre, et surtout ceux de Pampelune, étaient jaloux de leurs fueros, et se rappelant l’émeute qui, lors de la première année de son règne, avait accueilli son entrée, le roi s’était bien gardé de se faire accompagner par aucune troupe. En effet, les bourgeois de la ville, qui, plus que jamais et pour des causes que nous dirons plus tard, tenaient à leurs priviléges, s’étaient rendus à leur poste et, la hallebarde à la main, étaient venus recevoir le roi. Mais sur son passage, aucune foule, aucune affluence ; les rues et les fenêtres des maisons semblaient presque désertes, non pas que la population de Pampelune fût moins curieuse qu’autrefois, mais un autre spectacle qui attirait bien plus sa sympathie avait lieu ce jour-là même et faisait tort au roi d’Espagne.

Pendant que Sa Majesté entrait par la porte de Madrid, Yézid et Fernand d’Albayda arrivaient par celle de Saragosse.

La foule, excitée contre les Maures par les prédications de don Ribeira, avait, à la vue d’Yézid, montré une telle irritation, que les familiers du saint-office et les bourgeois de la ville préposés à la garde du prisonnier avaient eu toutes les peines du monde à le dérober aux manifestations hostiles de la multitude, On