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piquillo alliaga.


Carmen l’interrogeait d’un œil inquiet ; les larmes d’Aïxa lui répondirent.
furent garnis d’herbes, de mousses et de plantes sauvages qui dérobaient aux yeux les plus clairvoyants l’entrée déjà si difficile de ce souterrain.

Yézid et ses soldats espéraient se soustraire ainsi, pendant quelques jours, aux Espagnols qui les poursuivaient. Des cimes élevées où il allait asseoir son camp il pourrait défier, non-seulement leurs attaques, mais même leurs recherches, et attendre sans crainte l’effet des promesses d’Alliaga.

Dès que les Espagnols, fatigués de parcourir inutilement les sommets âpres et inhabitables de l’Albarracin, seraient redescendus dans la plaine ou dans les parties inférieures de la montagne, Yézid et les siens descendraient à leur tour des pics de leurs rochers et viendraient rendre à la liberté les prisonniers de la grotte.

Le soir même, guidée par Cogia-Hassan, l’armée commença sa marche ascensionnelle, et Yézid voulut être le premier à explorer le chemin effrayant qu’on allait suivre. Qu’on se figure une armée entière, une longue file de soldats gravissant un à un une muraille de granit, presque à pic, s’appuyant sur les pointes de roches saillantes, se retenant aux racines d’arbres ou aux plantes vigoureuses qui tapissaient le flanc de la montagne, et chacun, si un faux pas l’entraînait dans l’abime, risquant sa vie et celle du compagnon qui était au-dessous de lui.

Il faut dire que cette muraille de rochers, qui, à l’œil et de loin, paraissait droite et perpendiculaire (et c’est un effet éprouvé par tous ceux qui voyagent dans les montagnes), cette muraille offrait, à une trentaine de pieds de hauteur, un sentier escarpé, inaperçu d’en bas, et que Cogia-Hassan connaissait bien. Ce sentier, serpentant en zig-zag le long de la montagne, était encore d’une difficulté extrême, et surtout donnait d’effroyables vertiges à ceux qui avaient l’imprudence de regarder au-dessous d’eux, mais enfin c’était une espèce de chemin de corniche, praticable, et qui conduisit presque toute l’armée des Maures aux sommets des remparts de granit qu’elle avait à franchir.

Là, ainsi que l’avait promis Cogia-Hassan, une plaine