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piquillo alliaga.


Piquillo, s’adressant au chef des alguazils, lui parla d’un ton d’autorité.
tout pour son pouvoir, ses titres, ses richesses et sa place de ministre, n’était occupé qu’à conjurer l’orage. Hélas ! tout ce que lui avait annoncé Piquillo n’était que trop vrai, trop réel. Le mal était encore plus grand qu’on ne l’avait fait. Le ministre voyait avancer le péril sans pouvoir le conjurer, et son unique souci, maintenant, était de le cacher au roi. Toutes ses précautions tendaient à empêcher la vérité d’arriver au monarque. On serait toujours assez à temps de l’en instruire quand il n’y aurait plus de remède.

Jusque-là, le duc poursuivait avec plus de chaleur que jamais ses projets près de la cour de Rome. Le roi avait demandé lui-même pour son ministre le chapeau de cardinal. Le pape l’avait promis ; mais retardée par quelque intrigue que le duc ne pouvait s’expliquer, la nomination n’arrivait pas, et il tremblait qu’elle n’arrivât trop tard, car d’un jour à l’autre on redoutait l’explosion des nouvelles ou plutôt des désastres dont on était menacé.

Le roi de France allait partir pour se mettre à la tête de son armée. Ce départ était prévu et certain ; lui-même l’avait annoncé en plein parlement ; il avait déclaré vouloir laisser en son absence la régence du royaume à Marie de Médicis, sa femme. Nouvelle preuve qu’il regardait comme longue et importante l’expédition qu’il méditait, et cette expédition n’était plus retardée maintenant que par le couronnement de la reine comme régente, couronnement dont Henri avait ordonné les préparatifs et auquel il désirait assister lui-même.

Tout le monde à présent connaissait en Europe les projets de Henri, tout le monde… excepté le roi d’Espagne ! Mais il était facile de lui cacher les événements, dans ce moment surtout, où deux ou trois préoccupations l’absorbaient à la fois, lui qui n’avait pas l’habitude de se livrer à une seule.

Il avait d’abord été tout entier à sa douleur ! il aimait la reine, et sa perte l’avait profondément affligé. Mais depuis cette mort, une autre idée encore l’inquiétait et l’effrayait.