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piquillo alliaga.

Il y trouva ces mots que le roi y avait laissés avant son départ.

lentement, vous pensez donc que cela est permis ?…

— Distinguons ! s’écria vivement Escobar. Se défaire d’un ennemi… méchamment, par haine, et seulement pour lui nuire, le ciel le défend. Mais quand c’est pour repousser ses attaques, quand c’est pour se préserver soi-même, quand c’est dans le cas de légitime défense, le ciel le permet et l’autorise. J’ai fait un livre sur cette matière, mon livre des Cas de conscience, je le donnerai à lire à madame la comtesse.

— Je vous remercie, dit celle-ci. Le père Jérôme partage-t-il vos doctrines à ce sujet ?

Le révérend s’inclina en signe d’approbation.

— Ainsi, mon père, ce que vous conseillez… vous le feriez… vous en partageriez toutes les chances ? dit-elle lentement.

Le révérend fit de nouveau un geste affirmatif.

— Et moi, je ferais plus encore, dit Escobar.

— Quoi donc ?

— Je vous donnerais à tous les deux, et sans crainte, l’absolution !

— C’est quelque chose, dit la comtesse.

— C’est le principal ! s’écria Escobar, car je vous dégage ainsi de toute responsabilité je l’assume tout entière sur moi, et m’en charge à tout jamais dans le ciel.

— Si ce n’était que le ciel, dit la comtesse, je serais tranquille. Dès qu’il sera désarmé par vous, je n’aurais plus à craindre son courroux ni sa justice… mais il en est une autre… moins redoutable, il est vrai, mais qui cependant existe.

Le père Jérôme la regarda en souriant, et jeta un coup d’œil à Escobar, qui, en ce moment, haussait les épaules d’un air de dédain et de pitié.

— Croyez-vous donc, madame la comtesse, s’écria le révérend, croyez-vous donc qu’on aille niaisement s’exposer aux dangers que vous avez la bonté de redouter ?

— Comme les hommes sont presque tous sujets à l’erreur, dit Escobar, comme ils ne peuvent, la plupart du temps, apprécier les intentions ni comprendre