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piquillo alliaga.

Ma mère, dit Piquillo, en cherchant à rappeler ses souvenirs.

— À quoi faire ?

— À rôder et à attendre…

— Quoi ?

— Une occasion, et il en est arrivé une… cette échelle.

— Où l’as-tu trouvée ?

— Ici en face, chez Truxillo le tailleur.

— Tu l’as été prendre ?

— Non… elle est descendue toute seule par la fenêtre d’un pavillon, et un instant après j’ai vu descendre, enveloppé d’un manteau…

— Un voleur ?

— C’est possible… un jeune voleur… il était jeune ; et une voix douce lui disait : Prenez garde… alors j’ai crié tout haut : À la Sainte-Hermandad !… La fenêtre s’est vivement refermée, le cavalier a sauté à terre et s’est enfui… Moi, j’ai saisi l’échelle, et me voilà. Maintenant descendons, car quoique l’on soit bien ici, nous causerons encore mieux en bas et de l’autre côté.

Et les deux amis, réunissant leurs efforts, enlevèrent facilement l’échelle, qui était restée plantée dans la cour du Soleil-d’Or. Ils la laissèrent glisser dans la rue, et Pedralvi voulant absolument faire les honneurs de son escalier à Piquillo, celui-ci descendit le premier.

En ce moment la lune disparaissait derrière un nuage épais. L’hôtel, le mur et la rue étaient rentrés dans une profonde obscurité, et Pedralvi n’apercevant plus son ami, lui disait à voix basse :

— Descends avec précaution, car il y a une vingtaine de pieds au moins… Es-tu en bas ? dis-le-moi.

— Oui, m’y voici !

Mais au moment où Pedralvi s’apprêtait à le suivre, une main vigoureuse renversa l’échelle, saisit fortement Piquillo, et on entendit une voix de basse-taille s’écrier :

— Aller sur nos brisées et nous faire concurrence… D’où venez-vous ainsi, petit drôle ?

Cette voix était celle du capitaine Juan-Baptista Balseiro, qui, dans la séance du matin sur la place