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piquillo alliaga.

sévérité officielles, le jeune duc de Santarem sentit tout son sang refluer vers son cœur.

Que dis-tu, dit le roi étonné en se levant sur son séant.

Il n’avait aucune bonne raison à donner ; rien ne plaidait en sa faveur ; c’était étourdiment, gratuitement et sans prétexte personnel ni plausible, qu’il s’était jeté dans une pareille échauffourée. Il baissa donc la tête et murmura les mots de clémence royale et de pardon.

Un pardon, reprit le duc, certainement, eu égard à votre étourderie et à votre jeunesse… Sa Majesté pourrait peut-être, à ma recommandation, consentir à l’accorder ; mais qui nous dit que, de retour dans vos terres et parmi vos vassaux, vous ne recommencerez pas ?

— Jamais, monseigneur… Jamais, je vous le jure.

— Les affaires d’État ne se traitent pas ainsi. Il nous faudrait, si l’on vous faisait grâce, prendre des précautions rigoureuses.

— Toutes celles que vous voudrez, monseigneur, je m’y soumets d’avance.

— D’abord, vous seriez obligé de résider à Madrid, de n’en point sortir sans notre permission.

— J’y consens.

— Il faudrait ensuite, pour calmer la fougue et l’effervescence de vos passions, vous établir, vous marier.

— S’il ne tient qu’à cela !

— Un instant ! Nous nous chargerions de choisir nous-même la femme qui vous conviendrait, car nous connaissons l’influence que peut exercer une femme sur l’esprit et les résolutions de son mari.

— Trop heureux, monseigneur, de tenir une épouse de votre main.

— J’y songerai, dit le ministre, et j’en parlerai au roi.

Le jeune prisonnier fut reconduit dans son cachot ; cachot humide et infect, qui convenait fort peu aux habitudes élégantes et recherchées du duc de Santarem, lequel était tant soit peu petit-maître. Les trois jours qu’il y passa lui parurent des siècles.

— Par saint Jacques ! s’écria-t-il, prison pour prison,