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piquillo alliaga.

à l’œuvre, il se contenta de tracer les plans, de donner des ordres du fond de son château, et de mettre en avant ses vassaux, qu’il enrégimenta et solda généreusement.

Tout cela lui paraissait charmant et l’amusait beaucoup.

Il tenait à la main une longue discipline formée de plusieurs bandes d’un cuir souple et flexible.

Mais dès l’arrivée de Fernand et aux premiers coups de mousquet, il trouva déjà les conspirations moins agréables, et il fut tout à fait dégoûté, lorsque, sans respect pour son nom, son rang, et sa naissance, on vint le prendre dans son château, le jeter dans une voiture très-dure, très-cahotante, et quand, escorté par un détachement d’alguazils, il roula jour et nuit, sans s’arrêter, jusqu’à Madrid.

Pendant la route il eut le temps de réfléchir et de se dire que lorsqu’on était jeune et riche, qu’on avait de belles terres et de beaux châteaux en Portugal et en Espagne, qu’on pouvait boire, manger, chasser, avoir à son aise des passions et des défauts, jouir enfin gaiement de la vie, il était bien absurde d’aller l’exposer dans des complots dont personne ne lui saurait gré, excepté ses héritiers. Mais le mal était fait, et sa frayeur redoubla, lorsque, arrivé à Madrid, il fut amené devant le duc de Lerma.

— Monsieur de Santarem, lui dit froidement celui-ci, vous avez conspiré, dans l’Alentejo. Vous avez fomenté une révolte contre le roi.

— Moi, monseigneur, s’écria le duc, qui comprit qu’a tout hasard il y avait plus de profit à nier crime qu’à l’avouer, cela n’est pas ! on m’a calomnié !

— Nous avons les preuves, dit le ministre avec le même sang-froid.

Il ne les avait pas encore ; mais il vit, à l’air terrifié du jeune conspirateur, qu’il n’en avait pas besoin.

— J’ai écrit à don Fernand d’Albayda, qui les a en son pouvoir, de me les envoyer, continua-t-il, et dès qu’elles seront arrivées et soumises au conseil, aucune puissance ne pourra vous sauver ni empêcher votre tête de tomber sous le glaive du bourreau.

À ces paroles, prononcées avec une emphase et une