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piquillo alliaga.

lent ! une femme superbe ! Nous en avons tous raffolé à Séville… Mais finie, disparue… Est-ce qu’elle existe encore ?

Et elle tomba à genoux, la tête cachée dans ses mains.

— C’est elle qui vous écrit, monseigneur.

— J’y suis… quelques secours… ou plutôt un engagement dans la troupe de Valladolid, mais elle ne peut plus jouer que les mères, à présent !

Piquillo tressaillit.

— Elle doit être bien vieille !

— Elle est plus jeune que Votre Excellence.

— En vérité ! dit le duc d’un ton piqué ; eh bien alors, mon cher, vous lui direz que je verrai à loisir… que je lirai sa lettre.

— Non, monseigneur, répondit Piquillo d’une voix ferme, vous la lirez à l’instant.

— Qu’est-ce à dire ! s’écria le duc en se retournant avec fierté.

— Vous la lirez, monseigneur, non pour la Giralda, mais pour vous, dans votre intérêt, car c’est vous que ce papier concerne.

Le duc regarda Piquillo d’un air étonné et un peu inquiet. Il reprit la lettre, qu’il avait jetée sur le bureau.

— Je ne sortirai pas d’ici que vous n’en ayez pris connaissance.

Et il s’assit, contemplant le duc en silence.

Celui-ci froissa vivement le cachet et ouvrit la lettre.

À mesure qu’il lisait, on le voyait rougir et pâlir. Un dépit et une colère concentrés éclataient dans tous ses traits ; mais, faisant ses efforts pour rester maître de lui-même, il sourit avec dédain, jeta sur Piquillo un regard glacé, et lui dit avec ironie :

— C’est donc là, monsieur, le message dont vous avez eu l’honneur de vous charger ?

— Il n’y a là aucun honneur, ni pour vous, ni pour moi ! répondit froidement Alliaga, mais une dure nécessité ; car je vois que nous sommes tous les deux humiliés, et avec raison : vous, de m’avoir pour fils, et moi, monseigneur… de vous avoir pour père !

— Rassurez-vous, lui dit le duc en lui lançant un