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en état de supporter… Et vous, Bolingbroke, dont je connais le dévoûment… vous qui êtes, pour moi, un ami véritable…

BOL. Vous m’éloignez… vous me congédiez pour accueillir une ennemie… Pardon, madame ! je vais céder la place à la duchesse… mais l’heure où elle doit venir n’a pas encore sonné, accorderez-vous au moins à mon zèle et à ma franchise le peu de minutes qui nous restent ?… Je ne vous imposerai pas la fatigue de me répondre… vous n’aurez que celle de m’écouter. (La reine, qui était près de son fauteuil, s’y laisse tomber et s’assied. — Regardant la pendule.) Un quart d’heure, madame, un quart d’heure !… c’est tout ce qui m’est laissé pour vous peindre la misère de ce pays. Son commerce anéanti, ses finances détruites, sa dette augmentant chaque jour, le présent dévorant l’avenir… Et tous ces maux provenant de la guerre… d’une guerre inutile à notre honneur et à nos intérêts. Ruiner l’Angleterre pour agrandir l’Autriche… payer des impôts pour que l’empereur soit puissant et le prince Eugène glorieux… continuer une alliance dont ils profitent seuls… Oui, madame si vous ne croyez pas à mes paroles, s’il vous faut des faits positifs, savez-vous que la prise de Bouchain, dont les alliés ont eu tout l’honneur, a coûté sept millions de livres sterling à l’Angleterre ?

LA REINE. Permettez, mylord !…

BOL., continuant. Savez-vous qu’à Malplaquet nous avons perdu trente mille combattants, et que dans leur glorieuse défaite les