ABIG. C’est quelque beau seigneur, j’en suis sûre.
LA REINE. Peut-être ! Tout ce que je sais, c’est que depuis deux ou trois mois, à peine lui ai-je adressé la parole… et lui, jamais !… C’est tout simple… à la reine…
ABIG. C’est vrai… c’est gênant d’être reine ! Mais, avec moi, vous m’avez promis de ne pas l’être !… Alors, entre nous, à vos moments perdus, nous pourrons parler de l’inconnu… sans craindre le parlement.
LA REINE. Tu as raison !… ici il n’y a pas de dangers ! et ce qu’il y a de charmant, Abigaïl, ce que j’aime en toi, c’est que tu n’es pas comme eux tous, qui me parlent toujours d’affaires d’État !… toi, jamais !
ABIG. Ah ! mon Dieu !…
LA REINE. Qu’as-tu donc ?
ABIG. C’est que justement j’ai une demande à vous adresser, une demande très importante de la part…
LA REINE. De qui ?…
ABIG. De lord Bolingbroke… Ah ! que c’est mal… ses intérêts que j’oubliais !… et qu’il venait de nous confier, à moi… et à M. Masham…
LA REINE, avec émotion. Masham !…
ABIG. L’officier qui est aujourd’hui de service au palais… — Imaginez-vous, madame, qu’autrefois Bolingbroke avait rencontré, dans son voyage en France, un digne gentilhomme… un ami… qui lui avait rendu les plus grands services, et il voudrait, à son tour, obtenir pour cet ami…
LA REINE. Une place ? un titre ?…