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mais enfin, cousine de la duchesse de Marlborough, de la surintendante de la reine, qui, dans sa sévère impartialité, hésite et se demande si elle est d’assez bonne maison pour approcher de Sa Majesté. Vous comprenez, madame, que pour moi, qui suis un écrivain usé et passé de mode, il y aurait dans le récit de cette aventure de quoi me remettre en vogue auprès de mes lecteurs, et que le journal l’Examinateur aurait beau jeu dès demain à s’égayer sur la noble duchesse, cousine de la demoiselle de boutique… Mais rassurez-vous, madame, votre amitié est trop nécessaire à votre jeune parente, pour que je veuille la lui faire perdre ; et à la condition qu’elle sera aujourd’hui admise par vous dans la maison de Sa Majesté, je m’engage sur l’honneur à n’avoir jamais rien su de cette anecdote, quelque piquante qu’elle soit… J’attends votre réponse.

LA DUCH., fièrement. Je ne vous la ferai point attendre. Je devais présenter mon rapport à la reine sur l’admission de mademoiselle, et qu’elle soit ou non ma parente, cela ne changera rien à ma décision ; je la ferai connaître à Sa Majesté… à elle seule !… Quant à vous, monsieur, il vous suffira de savoir que je n’ai jamais rien accordé à la menace, arme impuissante, du reste, que je dédaigne… et si j’y ai recours aujourd’hui, c’est que vous m’y aurez forcée… Quand on est publiciste, monsieur de Saint-Jean, et surtout quand on est de l’opposition, avant de vouloir mettre de l’ordre dans les affaires de l’État, il faut en mettre dans les siennes. C’est ce que vous n’avez pas fait…