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DESGRIEUX, se levant avec indignation.
––Ciel ! où suis-je ?… A souper chez Manon ! Moi ! jamais !
MANON, avec impatience.
––Nous souperons d’abord !… nous partirons après ;
––e l’ordonne ! ou sinon, soit raison, soit caprice,
––––Je ne pars plus !… Tout à l’heure à vos vœux
––––Sans hésiter, j’ai cédé… Moi, je veux
–––––––Qu’à mon tour l’on m’obéisse !

(Avec coquetterie.)

––Ce que l’on vous demande est-il donc si fâcheux !
––Souper auprès de moi !… souper… rien qu’à nous deux !
––Vous souriez !
DESGRIEUX, doucement et d’un ton de reproche.
––Vous souriez ! Manon ! mais c’est une folie !
MANON, gaiement.
––––Raison de plus !…

(Frappant du pied.)

––––Raison de plus !… Je le veux ! je le veux !

(Manon fait asseoir Desgrieux près d’elle à la table, et tous deux font face aux spectateurs. Elle lui déplie sa serviette, le sert, lui verse à boire, et lui montre la fenêtre que la pluie vient battre encore.)

COUPLETS.
Premier couplet.
––––––––Lorsque gronde l’orage,
––––––––Qui dans le voisinage
––––––––Sème partout l’effroi,
––––––––Ah ! qu’il est doux et sage
––––––––D’être dans son ménage
––––––––Et de souper chez soi !
––––––––Buvez, buvez, mon roi,
––––––––C’est à vous que je boi !
DESGRIEUX, la regardant tristement et avec tendresse.
––Manon !… tu réjouis et mon cœur et mes yeux !