Harpe du nord, adieu ! Les collines se rembrunissent ; une ombre plus épaisse descend sur les pics de la montagne couronnée de pourpre ; la luciole[1] brille comme un diamant dans le crépuscule, et les daims, qu’on ne voit qu’à demi, se retirent sous l’abri de la feuillée ; reprends place sur ton ormeau magique ; réponds au murmure de la fontaine et à l’harmonie sauvage de la brise ; mêle tes doux accords à l’hymne du soir, aux échos lointains de la colline, à la flûte du jeune pâtre et au bourdonnement de l’abeille qui retourne à la ruche.
Adieu encore une fois, Harpe du ménestrel ! pardonne mon faible essai ; je m’inquiéterai peu si la censure sévère s’amuse par oisiveté à critiquer ces fruits de mes loisirs. Que n’ai-je pas dû à tes accords dans le long pèlerinage de la vie, quand des peines secrètes que le monde ignora toujours, assiégeaient mes nuits sans sommeil auxquelles succédaient des jours plus tristes encore ! Ah ! le chagrin qu’on dévore dans la solitude est de tous le plus amer !… Si je n’ai pas succombé à tant de maux, c’est à toi que je le dois, céleste enchanteresse !
Mais silence ! pendant que mes pas ralentis s’éloignent à regret, quelque esprit aérien vient de réveiller tes cordes : c’est tantôt la touche brûlante d’un séraphin inspiré, et tantôt l’aile joyeuse d’une fée qui les caresse à son tour. Ces sons mourans s’affaiblissent de plus en plus dans la pente du vallon ; et maintenant la brise de la montagne apporte à peine jusqu’à moi un dernier accent de cette harmonie mystérieuse !… Déjà règne le silence. — Enchanteresse, adieu !
- ↑ Luciole, lampyris, ver-luisant.
parut également familier avec tous deux. » (Lettre de lord Byron à sir Walter Scott, 6 juillet 1812. Vie et Œuvres de Byron, vol. II, p. 156.)