grâce, mais conservant sa gravité, il déposa un baiser sur le front d’Hélène et lui dit de bannir tout effroi.
— Oui, dit-il, le pauvre Fitz-James est le roi d’Ecosse ! Racontez-lui vos malheurs, exprimez-lui vos vœux, il rachètera son gage. Ne demandez rien pour Douglas ; hier soir le roi et lui ont beaucoup pardonné. La calomnie lui a été funeste, et moi j’ai souffert de la révolte de ses amis. Nous n’avons pas voulu accorder à la populace ce qu’elle demandait par de bruyantes clameurs ; nous avons entendu et jugé sa cause avec calme. Notre conseil et les lois ont décidé ; j’ai terminé les dissensions fatales de votre père avec Devaux et le vieux Glencairn : nous reconnaîtrons désormais le seigneur de Bothwell pour l’ami et le bouclier de notre trône. Mais, aimable incrédule, qu’est-ce donc ? quel nuage obscurcit ton visage, où le doute se peint encore ? Lord James de Douglas, aide-moi à persuader cette fille méfiante.
Alors le noble Douglas s’avance, et sa fille se jette dans ses bras. Le monarque, dans cette heure de bonheur, savoura la plus douce volupté que puisse goûter la puissance, celle de dire avec un accent céleste — Vertu malheureuse, lève-toi, et triomphe ! Cependant Jacques ne voulut pas que les transports de la nature servissent long-temps de spectacle à sa cour ; il se mit entre le père et la fille.
— Allons, Douglas, dit-il, ne m’enlevez pas ma protégée ; c’est à moi de lui expliquer l’énigme qui a hâté cet heureux moment. — Oui, Hélène, lorsque je me déguise pour errer dans les sentiers plus humbles mais plus heureux de la vie, je prends un nom qui cache mon rang et ma puissance : ce nom n’est point un nom emprunté, car la tour de Stirling s’appelait jadis la tour de Snowdoun[1], et les Normands me nomment James Fitz-James. C’est ainsi que je veille sur les lois outragées, et que j’apprends à redresser l’injustice. — Et il ajouta à part, et d’un ton plus bas : Petite traîtresse, chacun doit ignorer que ma folle illusion, une pensée plus frivole, une vanité chèrement payée, et tes yeux noirs, m’at-
- ↑ William de Worcester, qui écrivait au milieu du quinzième siècle, appelle Stirling le château de Snowdoun.
Comme on l’a vu dans la note précédente, le véritable nom que prenait Jacques dans ses excursions était celui du fermier de Ballanguish ; j’ai préféré y substituer celui du chevalier de Snowdoun, comme plus propre à la poésie, et parce que l’autre aurait annoncé trop tôt le dénouement à plusieurs de mes compatriotes qui sont familiers avec toutes les traditions que je viens de citer.
Ballanguish est le nom d’un sentier escarpé qui conduit au château de Stirling.