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xons et la claymore des montagnards. Comme le gouffre de Bracklinn, si profond et si obscur, reçoit les vagues qui s’y précipitent, de même ce fatal défilé dévore les rangs mêlés de la bataille ; il ne reste plus de combattans sur la plaine, que ceux qui ont cessé de vivre.

XIX.

— Le tumulte s’étend vers l’ouest le long du défilé... Fuis, ménestrel ! le carnage continue : le destin va enfin décider de cette journée, au lieu où la sombre gorge des Trosachs s’ouvre sur le lac et l’île Katrine ! Je me hâte de repasser la cime de Ben-Venu... Le lac se déroule à mes pieds, le soleil a quitté l’horizon ; les nuages sont amoncelés ; le voile obscur qui cache les cieux a donné aux ondes une teinte d’un bleu livide ; par intervalles le vent s’échappait des sinuosités de la montagne, glissait sur le lac et expirait aussitôt, Je ne fis aucune attention au sou-

446 LA DAME DU LAC.

lèvement des vagues ; le défilé des Trosachs occupait seul ma vue ; mon oreille n’écoutait que ce tumulte confus, semblable à la sourde voix d’un tremblement de terre, et qui annonçait cette agonie du désespoir terminée par la seule mort. C’était pour l’oreille du ménestrel le glas funèbre qui résonnait sur la tombe de plus d’un guerrier. Le tumulte approche : le défilé rejette encore une fois de son sein le torrent des combattans ; mais les flots n’en sont plus mêlés. Les guerriers du nord se montrent comme la foudre sur les hauteurs, et se répandent sur les flancs de la montagne ; les lances des Saxons paraissent plus bas sur les bords du lac comme un épais nuage.

— Epuisé de fatigue, chaque bataillon, privé de ses plus braves soldats, s’arrête avec un air farouche à l’aspect de l’ennemi : leurs bannières flottent comme une voile déchirée dont les lambeaux sont livrés aux caprices de l’aquilon ; des armes brisées qu’on aperçoit çà et là attestent le carnage de cette terrible journée.

XX.

— Les Saxons jetaient sur le revers de la montagne un regard soucieux et farouche, lorsque Moray, tournant le fer de sa lance du côté du lac, s’écria : — Voyez cette île ; il n’y a pour en défendre l’abord que de faibles femmes qui se tordent les mains : c’était là qu’autrefois ce clan de voleurs entassait son butin : je promets ma bourse remplie de pièces d’or à celui qui nagera jusqu’à une portée de trait, pour détacher une des chaloupes attachées au rivage. Nous aurons bientôt réduit ces loups, quand nous serons maîtres de leur tanière et de leur lignée.