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tendre de nouveau leurs aigres murmures. Réveillé par ce bruit, un captif lève péniblement sa tête au-dessus de sa couche : le ménestrel regarde, et reconnaît avec surprise, au lieu de son maître, le redoutable Roderic. Comme Allan était venu des lieux où le clan d’Alpine et les troupes du roi s’étaient livré bataille, les soldats avaient cru, par une méprise naturelle, que c’était le Chef des montagnes que demandait le ménestrel.

XIII.

Tel qu’un vaisseau dont l’orgueilleuse proue ne sillonnera plus les ondes, et qui, abandonné par son équipage, demeure engravé au milieu des brisans, tel était Roderic sur son lit de douleur. Souvent dans les accès de sa fièvre il agitait soudain ses membres avec un mouvement convulsif, semblable au navire quand il est soulevé par les vagues qui ne cessent de le battre et de l’ébranler sans pouvoir le transporter plus loin… Est-ce bien là ce Roderic qui parcourait naguère les montagnes et les vallons d’un pas si agile et si assuré ?

Dès qu’il aperçut le ménestrel, il s’écria :

— Quelles nouvelles de ta maîtresse, de mon clan de ma mère, de Douglas ? Dis-moi tout, ont-ils été entraînés dans ma ruine ? Oui sans doute, sinon que viendrais-tu faire ici ? Parle toutefois, parle avec hardiesse, ne crains rien.

(En effet Allan, connaissant son humeur farouche, était troublé par le chagrin et par un sentiment de terreur.) — Quels sont ceux qui ont combattu avec courage ? Sois bref, vieillard, poursuivit Roderic : quels sont ceux qui ont pris la fuite ? car il en est qui ont pu fuir ; ils n’avaient plus leur Chef. Quels sont les lâches qui survivent et tes braves qui ont péri ?

— Calme-toi, fils d’Alpine, dit le ménestrel ; Hélène est en sûreté. — Le ciel en soit loué !… Nous pouvons espérer pour Douglas. Lady Marguerite non plus n’a rien à craindre ; et quant à ton clan, jamais la harpe des bardes n’a chanté de combat plus fécond en exploits. — Ton pin glorieux est encore debout, quoique dépouillé de plus d’un noble rameau.

XIV.

Le Chef se leva sur son séant : le feu de la fièvre étincelait dans ses yeux ; des taches pâles et livides donnaient un aspect horrible à son front et à ses joues basanées.

— Ecoute, ménestrel : dans cette île solitaire où le barde ne charmera jamais plus les loisirs du guerrier, ta harpe nous fit en-