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— Je l’ose… Oui, je suis l’ennemi de Roderic et de tous les meurtriers qu’il appelle au secours de son perfide bras !

— Tu parles avec arrogance !… Mais, quoique les bêtes fauves obtiennent un privilège de chasse, quoique nous donnions au cerf un espace réglé par des lois, avant de lancer nos meutes ou de bander notre arc, qui trouva jamais à redire à la manière dont le perfide renard est attiré dans le piège[1] ? C’est ainsi que de traîtres espions… Mais sans doute qu’ils en ont menti ceux qui prétendent que tu es un espion secret ?

— Ils en ont menti, je le jure. Que je puisse me reposer jusqu’à demain matin ; que Roderic se présente alors avec les deux plus braves guerriers de son clan : je graverai mon démenti sur leurs cimiers.

— Si la clarté du feu ne me trompe, tu portes le baudrier et les éperons de la chevalerie ?

— Que ces mêmes insignes t’annoncent toujours l’ennemi mortel de tout oppresseur orgueilleux !

— C’est assez ; assieds-toi, et partage la couche et le repas d’un soldat.

XXXI.

Le montagnard lui servit un repas frugal, composé de la chair durcie du chevreuil[2], selon l’usage de la contrée ; il garnit le feu de bois sec, invita le Saxon à partager son manteau, le traita avec tous les égards dus à un hôte, et, reprenant son entretien, lui dit :

— Etranger, je suis du clan de Roderic et son fidèle parent ; toute parole outrageante pour son honneur exige de moi une prompte vengeance : de plus,… on assure que de ta destinée dépend un augure important. Il ne tient qu’à moi de sonner de mon cor ; tu serais accablé par de nombreux ennemis : il ne tient qu’à moi de te défier ici, le fer à la main, sans égard pour l’épuisement

  1. Sir John employa précisément le même raisonnement lorsqu’il réfuta la défense de l’infortuné comte de Strafford : Il est vrai que nous accordons le bienfait de la loi aux lièvres et aux daims, parce que ce sont des bêtes de chasse : mais il n’a jamais paru cruel ni injuste de détruire les renards et les loups, dans quelque lieu qu’on en puisse trouver, parce que ce sont des bêtes de proie. En un mot, la loi et l’homme étaient d’acord, l’une étant plus fallacieuse et l’autre plus barbare qu’aucun siècle ne pourrait en fournir l’exemple dans un poste si élevé. (Clarendon, Histoire de la rébellion, Oxford, 1702, in-folio, p. 183.)
  2. Les montagnards écossais avaient jadis une manière si expéditive de préparer la venaison, qu’elle surprit beaucoup le vidame de Chartres, qui, pendant qu’il était en otage en Angleterre, reçut d’Edouard VI la permission de parcourir l’Ecosse, et pénétra, selon son expression, jusqu’au fin fond des sauvages.
    Après une grande partie de chasse, il vit ces sauvages d’Ecosse dévorer leur gibier tout cru, sans autre préparation que de le presser fortement entre deux bâtons, de manière à en exprimer tout le sang et à rendre la venaison extrêmement dure. Le vidame sut se rendre populaire en ne se montrant pas plus difficile qu’eux.