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la terre ferme, ton noble père ne doit-il pas avoir la prévoyance de te préparer un refuge assuré ?

X.
HÉLÈNE.

Non, Allan-Bane, non, un prétexte semblable ne peut endormir mes craintes. Douglas m’a donné sa bénédiction en prononçant ses adieux avec un accent tendre et solennel ; la larme qui est venue mouiller sa paupière n’a pu le détourner de sa résolution inaltérable. Je ne suis qu’une femme ; mais mon ame, toute faible qu’elle est, peut retracer l’image de la sienne, comme le lac dont la plus légère brise trouble la sérénité, mais qui réfléchit dans son cristal le rocher inébranlable.

Douglas apprend que la guerre va tout embraser ; il se croit la cause de tous les malheurs qui menacent l’Ecosse. Il a rougi, Allan, quand tu nous as raconté ce songe mensonger qui t’a fait voir Malcom Græme chargé de fers attachés par moi-même à ses bras. Penses-tu que ce triste augure a effrayé Douglas ? Non, Allan ; mais son ame généreuse s’est alarmée pour ce vaillant jeune homme, et pour Roderic lui-même, cet ami si fidèle… Je dois lui rendre cette justice : ils sont tous deux dans le péril, et pour notre cause. Douglas n’a pu résister à cette cruelle pensée,.. Je devine le sens de ses paroles solennelles : — Si nous ne devons plus nous revoir sur la terre, ce sera dans le ciel. — Pourquoi m’aurait-il recommandé, si le soir ne nous ramène pas mon père, d’aller au temple de Cambus-Kennetts et de m’y faire connaître ? Hélas ! il se rend au pied du trône d’Ecosse, pour y racheter la liberté de ses amis au prix de la sienne… Il va faire ce que j’aurais fait moi-même si le ciel avait donné à Douglas un fils au lieu d’une fille.

XI.
ALLAN.

— Non, ma chère Hélène, non ; ton père a voulu dire que, si quelque événement imprévu retarde son retour, ce temple révéré sera le lieu où nous pourrons le rejoindre. Sois persuadée que Douglas est en sûreté ; quant à Malcolm Græme… (que le ciel bénisse son nom glorieux !) mon songe peut être vrai, sans prédire rien de funeste ; mes révélations prophétiques m’ont-elles jamais abusé ? Souviens-toi de l’étranger de l’île solitaire et des accords mélancoliques de ma harpe, qui nous annoncèrent cette fatale guerre : mes présages de malheur se sont vérifiés ; dois-tu douter de ceux qui nous promettent une meilleure fortune ? Que n’avons-nous déjà