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XXV.

Ce jour-là Roderic avait parcouru les confins de Ben-Venu, et il avait envoyé ses espions pour observer les frontières de Menteith. Tous revinrent lui apprendre que rien n’annonçait la rupture de la trève : tout était paisible dans les domaines de Grœme et de Bruce ; aucun cavalier ne se montrait dans Rednock ; nulle bannière ne flottait sur les crénaux de Cardross ; aucun signal sur les tours de Duchray ne faisait fuir par la clarté de sa flamme les hérons du loch Con ; tout paraissait paisible.

Savez-vous pourquoi le Chef va visiter avec un œil si inquiet la frontière de l’ouest avant de se rendre au lieu du rendez-vous ?

Un objet plein de charmes était caché dans une sombre gorge de Ben-Venu. Ce matin même Douglas, fidèle à sa promesse, était parti de l’île et avait été chercher un refuge dans une grotte solitaire.

Plus d’un vieux harde a célébré Coir-Nan-Uriskin[1] dans la langue celtique ; les Saxons donnèrent un nom plus doux à cette grotte, et l’appelèrent la caverne des Esprits.

XXVI.

Jamais les pas d’un exilé ne foulèrent une retraite plus sauvage. La caverne s’ouvrait dans les flancs de la montagne, comme la blessure faite au sein d’un géant. Ses bords avaient arrêté dans leur chute plusieurs débris de rochers qu’un antique tremblement de terre avait arrachés du sommet stérile de Ben-Venu : entassés comme des ruines éparses que le hasarda réunies, ils formaient, par leurs saillies anguleuses, l’ouverture de la grotte. Le chêne et le bouleau, entrecroisant leurs ombres épaisses, interceptaient les rayons du soleil ; mais quelquefois un rayon égaré brillait soudain à travers ce sombre crépuscule, comme le regard rapide qu’un prophète inspiré jette dans les ténébreuses profondeurs de l’avenir.

Aucun bruit ne troublait le silence solennel de ces lieu excepté le murmure timide d’une source solitaire ; mais, quand les vents

  1. Coir-Nan-Uriskin est une caverne pratiquée dans le mont de Ben-Venu ; elle est entourée d’énormes rochers, et ombragée par des bouleaux et des chênes, production spontanée de la montagne, là même où les rochers sont totalement nus. Un lieu aussi bizarrement situé près du loch Katrine, et dans le voisinage d’un peuple dont tous les penchans sont romantiques, n’est pas resté sans avoir ses divinités locales.
    Le nom de Coir-Nan-Uriskin veut dire la caverne de l’homme sauvage ; et la tradition attribue à cet Urisk, qui lui donne son nom, une forme qui tient à la fois du bouc et de l’homme : et bref, dût le lecteur classique en être encore plus surpris, tous les attributs du satyre grec *.
    (*) Le Dr. Graham, que sir Walter Scott cite souvent, prétend que le poète s’est trompé en assimilant l’Urisk au satyre.