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surnaturels, le cri prophétique de la fatale Ben-Shie (h) ; au vent de la nuit s’étaient mêlés les pas retentissans de nombreux coursiers, qui semblaient charger l’ennemi sur les rochers de Benharow, inaccessibles aux mortels. La foudre avait frappé un vieux pin ; tout présageait malheur à la race d’Alpine. Brian ceignit ses reins, et vint déclarer tous ces augures menaçans.

Tel est l’homme qui se dispose à faire entendre ses prières ou ses malédictions, selon les ordres que donnera le Chef de sa tribu.

VIII.

Tout est prêt. On apporte de la montagne un bouc, patriarche du troupeau ; on le dépose devant la flamme pétillante du bûcher ; le fer de Roderic lui entrouvre le sein. La victime mourante voit d’un œil résigné les flots de son sang qui rougissent sa barbe épaisse et son corps velu, jusqu’à ce que les ombres de la mort viennent obscurcir ses prunelles flétries. Le prêtre, en murmurant une prière, forme avec soin une croix d’une coudée de longueur, dimension consacrée par l’usage. On avait choisi les rameaux d’un if qui, dans l’île d’Inch-Cailliach[1] étendait son ombre sur les tombeaux du clan d’Alpine, et qui, répondant aux soupirs des brises du lac Lomond, berçait de son frémissement monotone l’éternel sommeil de maint Chef enseveli.

Brian éleva cette croix d’une main décharnée ; il promena ses yeux hagards autour de lui, et pénétra d’une émotion étrange tous ceux qui l’entendirent prononcer ces anathèmes :

IX.

— Malheur à l’homme de notre clan qui, voyant ce symbole formé de l’if funéraire, oubliera que ces rameaux eurent leurs racines dans ces lieux où le ciel fait tomber sa rosée sur les tombeaux des fils d’Alpine ! Traître à son Chef, il ne mêlera point sa poussière à celle des guerriers de sa race ; mais, rejeté loin de ses pères et de sa famille, il entendra tout le clan le maudire et appeler le malheur sur sa tête.

  1. Inch-Caillach, l’île des Nonnes ou des vieilles Femmes, est une île délicieuse à l’extrémité du Loch Lomond. Il reste à peine quelques ruines de l’église ; mais on y trouve encore le cimetière, qui continue de recevoir les dépouilles mortelles des clans voisins. Les monumens les plus remarquables sont ceux des lairds de Mac-Gregor, qui prétendent descendre de l’ancien roi écossais du nom d’Alpine.
    Les montagnards sont très jaloux de leurs droits de sépulture, comme on doit l’attendre d’un peuple dont les lois et le gouvernement (si ce nom peut être donné aux institutions d’un clan) reposent sur le principe de l’union des familles.
    Que ses cendres soient jetées à l’eau ! était une des imprécations les plus terribles qu’un montagnard pût adresser à un ennemi.