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joie pour un seul regard de ces beaux yeux ; permettez-moi, en attendant, de diriger moi-même sur le lac votre barque enchantée.

La jeune fille dissimula un sourire malicieux en voyant l’étranger entreprendre un exercice inaccoutumé, car c’était pour la première fois sans doute que sa noble main saisissait l’aviron ; cependant il l’agita d’un bras vigoureux, et la nacelle glissa rapidement sur l’onde. Les deux limiers suivent à la nage, tenant la tête haute, et se plaignent en aboyant. La rame ne troubla pas long-temps le cristal azuré du lac ; déjà l’esquif touche aux rochers de l’île ; il est amarré au rivage.

XXV.

L’étranger porta ses yeux autour de lui sans pouvoir reconnaître aucun chemin, ni rien qui indiquât que ces lieux fussent habités, tant le taillis était touffu : mais la vierge des montagnes lui montra un sentier secret, dont il fallait gravir les détours sinueux à travers le feuillage ; il aboutissait à une étroite prairie, que le bouleau et le saule pleureur entouraient de leurs rameaux inclinés ; c’était là qu’un Chef avait construit une demeure rustique pour lui servir d’asile aux heures du danger[1].

XXVI.

C’était un bâtiment assez vaste, mais d’une architecture et d’une distribution bizarres, pour lequel l’artiste avait employé tous les matériaux qui s’étaient trouvés sous sa main. Dépouillés de leurs branches et de leur écorce, grossièrement équarris par la hache, le chêne robuste et le frêne s’élevaient en hautes murailles. Des feuilles, de la mousse, et l’argile, avaient été mêlées ensemble pour interdire tout accès au souffle des vents. De jeunes pins entre-croisés servaient de soliveaux, et supportaient la toiture, formée de touffes de bruyère flétrie et de roseaux desséchés. Du côté de l’ouest, et vis-à-vis de la pelouse, on voyait un portique soutenu par des colonnes naturelles ; c’étaient les troncs verts des ifs de la montagne, auxquels la main d’Hélène avait entrelacé le lierre, la vigne d’Ida, la clématite, cette fleur chérie qui porte le beau nom de berceau des vierges, et toutes les plantes dont la tige vigoureuse pouvait supporter l’air vif et pénétrant du loch Katrine[2].

  1. Les Chefs celtes dont la vie était assaillie par des périls continuels, avaient communément dans la partie la plus reculée de leurs domaines quelque retraite, comme une tour, une caverne ou une demeure rustique. Ce fut dans une semblable retraite que Charles-Edouard se cacha après la malheureuse bataille de Culloden.
  2. Les botanistes ont reproché à l’auteur d’avoir vu la clématite dans l’île d’Hélène, où jamais cette plante ne se rencontre.