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XXII.

La jeune fille regarda un moment l’étranger ; et, rassurée enfin, elle lui répondit que les châteaux des montagnards étaient toujours ouverts aux voyageurs égarés. — Ne croyez pas, ajouta-t-elle, que vous arriviez dans cette île solitaire sans y être attendu ; ce matin même, avant que la rosée cessât d’humecter la verdure, une couche a été préparée pour vous. La cime pourprée de cette montagne nous a fourni le ptarmigan et le coq de bruyère. Nous avons tendu nos filets sur le lac, afin que vous trouviez ici votre repas du soir.

— J’atteste le ciel, aimable insulaire, reprit l’étranger, que vous êtes dans l’erreur ; je n’ai aucun droit à ce bon accueil, destiné à l’hôte que vous attendez : le hasard seul m’a conduit dans cette solitude ; j’ai perdu ma route, mon coursier et mes compagnons ; voilà, je vous assure, la première fois que je respire l’air de ces montagnes. En voyant les bords pittoresques de ce lac et la beauté qui me parle, je suis tenté de me croire avec une fée dans le pays des enchantemens (a[1]).

XXIII.

— Je crois sans peine, reprit la jeune fille en ramenant son esquif vers le rivage, je crois sans peine que vos pas n’avaient jamais foulé jusqu’à ce jour les rivages du lac Katrine ; mais hier soir le vieil Allan-Bane prédit votre arrivée ; c’est un barde à cheveux blancs, dont l’œil prophétique eut une révélation de l’avenir. Il a vu votre coursier gris-pommelé tomber sans vie sous les bouleaux ; il nous a dépeint avec exactitude votre taille et vos traits, votre costume de chasseur en drap vert de Lincoln, ce cor de chasse orné de glands de soie, la riche poignée et la lame recourbée de votre glaive, votre toque surmontée d’une plume de héron, et vos deux limiers si noirs et si farouches. C’est lui qui a commandé que tout fût prêt pour recevoir un hôte de noble race ; mais je n’ajoutais guère foi à sa prophétie, et j’avais cru que c’était le cor de mon père, dont l’écho du lac m’apportait le son.

XXIV.

L’étranger sourit. — Puisque je viens en chevalier errant, annoncé par un véridique prophète, et destiné sans doute à quelque entreprise hardie, il n’est point de dangers que je ne brave avec

  1. Voyez à la fin de ce poëme les appendices auxquels il est renvoyé par des lettres italiques.