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abri dans les fentes du roc ; la morelle et la gantelée, emblèmes de l’orgueil et du châtiment, groupent leurs sombres couleurs avec les teintes qu’offrent les rochers battus de la tempête ; le bouleau et le tremble mélancolique balancent leurs rameaux à chaque souffle du vent ; plus haut, le frêne et le chêne robustes ont fixé leurs racines dans les anfractuosités de la montagne ; son extrême sommet nourrit encore le pin au tronc déchiré, dont les rameaux se projettent entre les saillies rapprochées des rochers. Enfin, au-dessus de ces pics éblouissans de blancheur, et à travers le feuillage mobile, l’œil découvre à peine l’azur délicieux d’un beau ciel : l’effet merveilleux de ce tableau semble le produit d’un songe magique.

XIII.

Le chasseur voit briller plus loin, au milieu du taillis, le cours d’une eau paisible, dont le lit étroit peut à peine recevoir la canne sauvage et sa famille ; cette onde se perd un moment sous l’ombrage épais, mais elle reparaît bientôt plus abondante, et réfléchit dans son cristal d’azur des rochers immenses et les collines boisées. S’étendant peu à peu sur un plus vaste espace, elle se divise pour aller entourer d’une ceinture humide deux monticules couronnés d’arbustes, qui, détachés du reste de la forêt, semblent sortir de l’onde comme les tours d’un château au milieu de ses fossés. Les flots, qui grossissent de proche en proche, interceptent toute communication avec la montagne, et forment deux petites îles isolées.

XIV.

Mais aucun sentier ne s’offre au chasseur, à moins qu’il ne gravisse d’un pas prudent les saillies anguleuses d’un précipice ; les racines du genêt lui servent d’échelle, et les rameaux des noisetiers lui prêtent leur secours ; il parvient ainsi sur l’extrême pointe d’un rocher[1], et de là il découvre le lac Katrine qui se déploie comme une vaste nappe d’or aux rayons du soleil couchant. Tout l’espace que le lac couvre de ses ondes se développe à ses regards avec ses promontoires, ses baies, ses îles, qu’une teinte de pourpre fait distinguer eu milieu des flots d’une lumière plus vive, et ses montagnes, qui apparaissent comme des géans gardiens d’une terre enchantée. L’immense Ben-Venu s’élève du côté du sud, et

  1. Avant que la route actuelle fût pratiquée dans le passage romantique que l’auteur a essayé ici de décrire, il n’y avait aucun moyen de sortir du défilé appelé Treseck, si ce n’est par une espèce d’echelle faite avec des branches et des racines.