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leur vitesse sans égale, le serrent de près, et sont sur le point de l’atteindre ; à peine si la portée d’un trait les sépare du fugitif qu’ils poursuivent sur l’extrême rive du lac, entre le précipice et les broussailles touffues.

VIII.

Le chasseur, remarquant la hauteur de la montagne et l’étroite lisière qui borde le lac, espère que le cerf va être réduit aux abois devant cet énorme rempart ; triomphant déjà de sa proie, mesurant de l’œil le bois qui orne son front, il recueille tout son souffle pour sonner la mort, et tire son couteau de chasse pour porter le dernier coup à l’animal abattu[1] : mais, au moment où il fond sur lui comme la foudre, et le bras levé,… le cerf rusé évite le choc ; — tournant du côté apposé du rocher, il s’élance dans une ravine profonde, et, disparaissant aux yeux du chasseur, va se réfugier dans le défilé étroit des Trosachs[2] : là, blotti dans un taillis épais qui laisse tomber sur sa tête les gouttes de la rosée et ses fleurs sauvages, il entend les limiers déçus frapper de leurs aboiemens les rochers, qui répondent seuls à leur voix menaçante.

IX.

Le chasseur suit ses chiens, et les encourage pour leur faire retrouver leur proie. Mais tout à coup son noble coursier s’abat dans le vallon ; le chasseur impatient veut en vain l’exciter du geste, de l’éperon et des rênes : tous ses travaux sont finis ; le pauvre


    ce sont ces chiens dont les abbés de Saint-Hubert ont toujours conservé la race en mémoire de leur patron, qui était un chasseur aussi bien que saint Eustace ; d’où nous pouvons croire qu’avec la grâce de Dieu tous les bons chasseurs les suivront en paradis.

    Pour en revenir à mon sujet, les chiens de Saint-Hubert ont été dispersés dans les provinces du Hainaut, de la Lorraine, de la Flandre et de la Bourgogne ; ils sont hauts de taille, et cependant leurs jambes sont courtes et basses. Ils ne sont pas très légers à la course, quoique doués d’un odorat des plus fins, suivant de loin le gibier, ne craignant ni l’eau ni le froid, et préférent les bêtes qui sentent comme le renard, parce qu’ils ne se croient ni assez de vitesse ni assez de courage pour chasser les animaux doués d’une agilité plus grande. Les limiers de cette couleur sont en général estimés, surtout ceux qui sont d’un noir parfait, mais je ne me suis jamais soucié d’en élever moi-même. Cependant j’ai eu entre les mais le livre qu’un chasseur devait à un prince de Lorraine, grand amateur de la chasse, et en tête duquel était une devise que ledit chasseur donnait à son limier, appelé Sonyllard, qui était blanc :

    — Je tire mon origine de la race du grand saint Hubert ; j’eus pour père Sonyllard, chien d’une vertu rare. —

    D’où nous pouvons présumer que ces chiens peuvent être accidentellement de couleur blanche. » (Le noble Art de la Vénerie, traduit pour l’usage de tous les gentilshommes de Londres ; 1611.)

  1. Quand le cerf était aux abois, le chef des chasseurs avait la tâche périlleuse d’aller lui porter le coup de la mort. À certaines époques de l’année c’était une tâche vraiment dangereuse, la blessure faite par les bois du cerf étant réputée venimeuse, beaucoup plus même que la blessure faite par les défenses d’un sanglier, comme le disent deux vers anciens, dont voici le sens :

    « Si tu es blessé par un cerf, tu es sur le chemin de ta bière ; mais la main du barbier guérit la blessure du sanglier : ainsi ne t’effraie pas. »

    Quoi qu’il en soit, cette dernière opération de la chasse n’était pas sans danger, et le livre cité dans la note précédente indique toutes les précautions à prendre pour se défaire du cerf sans rien risquer.

  2. Le terme trosachs signifie un terrain rude et âpre.