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LE NAIN NOIR

Où était sir Édouard Mauley ? personne ne l’avait vu depuis l’instant où il était sorti de la chapelle, la veille au soir.

— Serait-il arrivé quelque malheur au pauvre Elshie ? s’écria Hobbie : je m’en consolerais moins vite que de l’incendie de ma ferme.

Il monta à cheval, et courut à la demeure du Nain. La porte en était ouverte ; le feu du foyer était éteint ; tout y était dans l’état où Isabelle l’avait trouvé la veille, et il paraissait évident que le solitaire n’y était pas rentré. Hobbie revint consterné.

— Je crains que nous ne l’ayons perdu, dit-il à M. Ratcliffe.

— Vous ne vous trompez pas, répondit celui-ci en lui remettant un papier ; mais vous n’aurez pas à regretter de l’avoir connu.

Ce papier était un acte par lequel sir Édouard Mauley, autrement dit Elshender le Reclus, faisait donation à Hobbie Elliot et à Grace Armstrong de la somme qu’il avait prêtée au jeune fermier.

— C’est une chose singulière, dit Hobbie en pleurant de joie ; mais je ne puis jouir de mon bonheur, quand j’ignore si le pauvre homme qui me le procure est heureux lui-même.

— Quand nous ne pouvons nous-mêmes être heureux, dit Ratcliffe, le bonheur que nous procurons aux autres en devient un pour nous. Telle sera la jouissance de celui que vous nommez Elshie.

Hobbie Elliot se retira à Heugh-Foot, épousa Grâce, fit rebâtir sa ferme, et fut aussi heureux que le méritait sa probité.

Il n’existait plus d’obstacles au mariage d’Earnscliff avec Isabelle. Sir Édouard Mauley, représenté par M. Ratcliffe, assura à sa parente une fortune qui aurait pu satisfaire la cupidité d’Ellieslaw lui-même. Mais Isabelle et Ratcliffe crurent devoir cacher à Earnscliff qu’un des motifs de la générosité de sir Édouard était de réparer, autant qu’il dépendait de lui, le crime dont, bien des années auparavant, il s’était rendu coupable en versant le sang du père de ce jeune homme. S’il est vrai, comme l’affirma Ratcliffe, que sa misanthropie devint un peu mois farouche, la connaissance qu’il eut d’un bonheur dont il était la cause y contribua sans doute, mais le souvenir du meurtre presque involontaire qu’il avait commis fut probablement le motif pour lequel il ne voulut jamais jouir du spectacle de leur félicité. Les années, en s’accumulant sur la tête des deux époux, ne firent qu’ajouter à leur tendresse réciproque.

Mareschal chassa, but du bordeaux, s’ennuya du pays, partit pour l’étranger, fit trois campagnes, revint, et épousa Lucy Ilderton.

Sir Frédéric Langley, toujours ambitieux, s’engagea dans la malheureuse insurrection de 1715. Il fut fait prisonnier à Preston