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LE NAIN NOIR

vers outils et instruments de jardinage. Une espèce de cadre en bois, à demi rempli de mousse, tenait lieu de lit ; une table et deux sièges complétaient le mobilier.

Tel était le lieu où Isabelle se trouvait enfermée avec un homme dont l’histoire, qu’elle venait d’apprendre, n’offrait rien de très rassurant. Assis vis-à-vis d’elle, le Nain la regardait en silence, d’un air qui annonçait que des sentiments opposés se livraient dans son cœur un violent combat.

Isabelle, pâle comme la mort, restait immobile.

Le Nain fut le premier à rompre le silence. — Jeune fille, dit-il, quel mauvais destin t’a amenée dans ma demeure ?

— Le danger de mon père, et la permission que vous m’avez donnée de m’y présenter, répondit-elle.

— Et tu te flattes que je pourrai te secourir ?

— Vous me l’avez fait espérer.

— Comment as-tu pu le croire ? Ai-je l’air d’un redresseur de torts ? Je t’ai raillée en te faisant une telle promesse.

— Il faut donc que je parte, et que je subisse ma destinée ?

— Non, dit Elshender, ne nous séparons pas : j’ai encore à te parler. Pourquoi l’homme a-t-il besoin du secours des autres hommes ? Regarde autour de toi : l’être le plus méprisé de l’espèce humaine n’a demandé à personne ni aide ni compassion. Cette maison, je l’ai construite ; ces meubles, je les ai fabriqués ; et avec ceci (il tirait à demi un long poignard qu’il portait à son côté), avec ceci (répéta-t-il), je puis défendre l’étincelle de vie qui anime un misérable comme moi, contre quiconque viendrait m’attaquer.

Rien n’était moins rassurant pour la pauvre Isabelle.

— Voilà la vie de la nature, continua le solitaire. — Vie indépendante et qui se suffit à elle-même. Le loup n’appelle pas le loup à son aide pour creuser son antre ; pour saisir sa proie, le vautour n’attend pas l’assistance du vautour.

— Et quand ils ne peuvent y réussir, dit Isabelle dans l’espérance de se faire écouter plus favorablement en employant le même style métaphorique, que faut-il qu’ils deviennent ?

— Qu’ils meurent et qu’ils soient oubliés ! N’est-ce pas le sort général de tout ce qui respire ?

— C’est le sort des êtres dépourvus de raison, mais il n’en est pas de même du genre humain. Les hommes disparaîtraient bientôt de la terre, s’ils cessaient de s’entr’aider les uns les autres. Le faible a droit à la protection du plus fort, et celui qui peut secourir l’opprimé commet un crime s’il lui refuse son assistance.

— Et c’est dans cet espoir frivole, pauvre fille ! que tu viens