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LE TOUR DU MONDE PARISIEN

vous faire partir du château avec M. Ratcliffe, qui va le quitter ce soir même, après quoi je saurai subir ma destinée.

— Est-il possible, mon père ? pourquoi ai-je été délivrée ? pourquoi ne m’avoir pas fait connaître vos projets ?

— Pourquoi ? Réfléchissez ma fille. J’avais désiré votre union avec sir Frédéric ; devais-je lui nuire dans votre esprit en vous disant que sa passion ne me laissait d’autre alternative que de sacrifier le père où la fille ? Mareschal et moi, nous sommes décidés à périr avec courage, et il ne me reste qu’à vous faire partir sous bonne escorte.

— Juste ciel ! N’y a-t-il donc aucun remède à ces moyens extrêmes ?

— Aucun, mon enfant ; un seul, peut-être, mais vous ne voudriez pas me le voir employer, celui de dénoncer nos amis.

— Non, jamais ! s’écria Isabelle. Mais ne peut-on, à force de larmes… Je veux me jeter aux pieds de sir Frédéric.

— Ce serait vous dégrader inutilement. Sa résolution est prise ; il n’en changerait qu’à une condition, et cette condition vous ne l’apprendrez jamais de la bouche de votre père.

— Quelle est-elle ? dites-le moi. Que peut-il demander que nous ne devions lui accorder.

— Vous ne la connaîtrez, Isabelle, que lorsque la tête de votre père aura roulé sur l’échafaud. Alors peut-être vous apprendrez par quel sacrifice il était encore possible de le sauver.

— Et pourquoi ne pas m’en instruire ? croyez-vous que je ne ferais pas avec joie le sacrifice de toute ma fortune pour vous sauver ? Voulez-vous attacher le désespoir et le remords au reste de ma vie.

— Eh bien, ma fille, apprenez donc ce que j’avais résolu de couvrir d’un éternel silence ; le seul moyen de le désarmer est de consentir à l’épouser ce soir même, avant minuit.

— Ce soir, mon père ?… épouser un tel homme !… un monstre ! C’est impossible.

— Vous avez raison, impossible. Il est d’ailleurs dans le cours de la nature qu’un vieillard meure et soit oublié.

— Moi ! je verrais mourir mon père, quand j’aurais pu le sauver !… Mais non, non, mon père. Quelque mauvaise opinion que j’aie de sir Frédéric, je ne puis le croire scélérat à ce point. Vous croyez me rendre heureuse en me donnant à lui, et tout ce que vous venez de me dire n’est qu’une ruse pour obtenir mon consentement.

— Quoi ! dit Ellieslaw d’un ton où l’autorité blessée semblait le disputer à la tendresse paternelle, ma fille me soupçonne d’inventer une fable pour influencer ses sentiments !… Je veux bien même