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INTRODUCTION

David n’allait pas tout à fait à trois pieds et demi, puisqu’il pouvait se tenir droit sur le seuil de la porte de sa maison, qui avait juste cette hauteur. Les détails suivants sur sa personne et son caractère se trouvent dans le Magasin écossais de l’année 1817. On sait maintenant qu’ils ont été communiqués par l’ingénieux M. Robert Chambers, d’Édimbourg, qui a recueilli avec beaucoup de soin les traditions de la Bonne Ville et qui, dans d’autres publications, a ajouté à la masse de nos antiquités populaires. Sir Robert Chambers est le compatriote de David Ritchie, et il lui était plus facile qu’à tout autre de recueillir des anecdotes sur son compte.

« Son crâne, qui était oblong et d’une forme peu ordinaire, avait, assure-t-on, une telle force, que Ritchie pouvait le frapper avec violence contre le panneau d’une porte ou l’extrémité d’un baril. On dit que son rire était horrible ; et sa voix, qui ressemblait au cri d’un hibou, était en rapport avec ses autres difformités. Son costume ne présentait rien de bien extraordinaire. Lorsqu’il sortait, il portait ordinairement un vieux chapeau. Il ne mettait jamais de souliers, mais ses pieds et ses jambes étaient toujours cachés et enveloppés dans des morceaux de drap ; il ne marchait jamais qu’appuyé sur un long bâton beaucoup plus grand que lui. Ses habitudes étaient singulières, et indiquaient un esprit en harmonie avec sa grossière enveloppe. La jalousie, la misanthropie, l’irritation, constituaient les défauts prédominants de son caractère. La conscience de sa difformité le poursuivait comme un fantôme ; et les insultes et les mépris auxquels l’exposait cette difformité, avaient rempli son cœur de sentiments amers et cruels.

« David délestait les enfants à cause de leur penchant à l’insulter et à le poursuivre. Avec les étrangers, il se montrait généralement réservé, et bien qu’on ne se refusât jamais à l’aider et à lui donner des secours pécuniaires, il exprimait ou montrait rarement de la reconnaissance. Une dame qui l’avait connu depuis son enfance, assure que, bien que David témoignât à la famille de son père autant d’attachement et de respect qu’il était capable d’en éprouver, les membres de cette famille étaient cependant obligés de mettre une grande prudence dans leurs rapports avec lui. Un jour qu’elle était allée lui rendre visite avec une autre dame, il les mena dans son jardin, et il leur montrait avec satisfaction ses riches plates-bandes, lorsqu’elles s’arrêtèrent par hasard devant un carré de choux un peu maltraité par les insectes. David observant qu’une des deux visiteuses souriait, reprit subitement son caractère sauvage, et se précipitant au milieu des choux, il les mit en pièces avec son long bâton, en s’écriant : Je déteste les vers parce qu’ils se moquent de moi. Une autre dame, qui, elle aussi, le connaissait depuis longtemps, lui fit involontairement une injure sanglante dans une occasion semblable. La regardant d’un œil soupçonneux au moment où il lui faisait parcourir son jardin, il observa qu’elle crachait ; aussitôt il s’imagina que c’était en signe de mépris, et il