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LE NAIN NOIR

faut s’en servir ; mais tant qu’elle reste dans le fourreau, nous devons nous conduire en gentilshommes et en bons voisins. En arrivant au château, ils y trouvèrent Ellieslaw.

— Comment se trouve miss Vere ? s’écria vivement Mareschal ; vous a-t-elle donné des détails sur son enlèvement ?

— Elle s’est retirée dans son appartement, très fatiguée. Je ne puis attendre d’elle beaucoup de lumière sur cette aventure. Je ne vous en suis pas moins obligé, mon cher Mareschal, ainsi qu’à mes autres amis, de l’intérêt que vous voulez bien y prendre. Mais, en ce moment, je dois oublier que je suis père, pour me souvenir que je suis citoyen. Vous savez que c’est aujourd’hui que nous devons prendre un parti décisif. Le temps s’écoule, nos amis arrivent ; j’attends non seulement les principaux chefs, mais même ceux que nous sommes obligés d’employer en sous-ordre. Il ne nous reste que peu d’instants pour achever nos préparatifs. Voyez ces lettres ; dans le Lothian, dans tout l’ouest, on n’attend que le signal. Les blés sont mûrs, il ne s’agit plus que de réunir les moissonneurs.

— De tout mon cœur ! dit Mareschal ; mettons-nous vite à l’ouvrage.

Sir Frédéric restait sérieux et déconcerté. — Voulez-vous me suivre à l’écart un instant ? lui dit Ellieslaw. J’ai à vous apprendre une nouvelle qui vous fera plaisir. — Et il l’emmena dans son cabinet.

Chacun alors se dispersa, et Mareschal se trouva seul avec M. Ratcliffe.

— Ainsi donc, lui dit celui-ci, les gens qui partagent vos opinions politiques croient la chute du gouvernement si certaine, qu’ils ne daignent plus couvrir leurs manœuvres du voile du mystère ?

— Ma foi, monsieur Ratcliffe, il se peut que les sentiments et les actions de vos amis aient besoin de se couvrir d’un voile. Quant à moi, j’aime que ma conduite soit exposée au grand jour. Et se peut-il que vous soyez assez insensé pour vous engager dans une telle entreprise ? Comment se trouve votre tête, quand vous assistez à ces dangereuses conférences ?

— Pas très assurée sur mes épaules. Je n’ai pas contre le gouvernement une haine assez invétérée pour ne pas voir tout le danger de notre entreprise.

— Pourquoi donc vouloir vous y exposer ?

— C’est que J’aime de tout mon cœur ce pauvre roi détrôné ; c’est que je meurs d’envie de voir punir les coquins de courtisans qui ont vendu la liberté de l’Écosse.

— Et pour courir après de telles chimères, vous allez allumer