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le nain noir

porté bonheur à personne. Jock Howden, qu’Elshie prétendait avoir guéri de sa maladie, est mort à la chute des feuilles. Elshie a sauvé la vache de Lambside, mais jamais ses moutons n’avaient péri en aussi grand nombre que cette année. D’ailleurs, on dit qu’il parle si mal des hommes, que c’est comme s’il bravait la Providence ; et vous savez que vous dîtes vous-même, après l’avoir vu pour la première fois, qu’il ressemblait plutôt à un esprit qu’à un chrétien.

— Bah ! ma mère, il vaut mieux que ses discours. Ainsi donc donnez-moi un morceau à manger, car je n’ai pas avalé une bouchée de la journée, et demain matin j’irai à Mucklestane-Moor.

— Et pourquoi ne pas y aller ce soir, Hobbie ? dit Henry : partez sur-le-champ, je vous accompagnerai.

— La nuit est bien sombre, remarqua Hobbie en regardant par la fenêtre ; mais, à parler franchement, quoique je n’aie pas peur, j’aime mieux aller voir Elshie en plein jour.

Cet aveu mit fin à la discussion ; et Hobbie, ayant trouvé un moyen terme entre la timide retenue de son aïeule et la présomption inconsidérée de son frère, prit un souper tel qu’on put le lui présenter. Embrassant ensuite toute la famille, il se retira dans l’écurie, et s’y étendit à côté de son fidèle coursier. John et Henry l’y suivirent. Quant aux femmes, elles s’arrangèrent du mieux qu’elles purent.

Debout à la pointe du jour, Hobbie, après avoir pansé et sellé son cheval partit pour Mucklestane-Moor. Il évitait la compagnie de ses deux frères, dans l’idée que le Nain se montrait plus favorable à quiconque le visitait seul. — Qui sait, se dit-il, si Elshie a ramassé le sac d’hier, ou si quelqu’un qui a passé par là ne s’en est pas emparé ? — Allons, Tarras, ajouta-t-il en donnant à sa monture un coup d’éperon, il faut tâcher d’arriver les premiers.

On commençait à pouvoir distinguer les objets lorsque Elliot arriva sur l’éminence d’où l’on découvrait l’habitation du reclus. La porte s’ouvrit, et il vit de nouveau le phénomène dont il avait rendu compte à Earnscliff ; deux figures humaines, si l’on pouvait donner ce nom à celle du Nain, sortirent de la hutte, et s’arrêtèrent paraissant converser ensemble. Le compagnon du Nain se baissa comme pour ramasser quelque chose, et tous deux ils firent quelques pas, puis s’arrêtèrent encore, causant et gesticulant.

Ce spectacle réveilla les terreurs superstitieuses du fermier. Il ne pouvait croire que le nain consentît à laisser entrer un homme dans sa demeure, et il ne lui paraissait pas plus probable que quelqu’un fut assez hardi pour aller le visiter pendant la nuit. Il fut donc convaincu qu’il avait devant les yeux un sorcier en conférence avec son esprit familier ; et, arrêtant son cheval, il résolut