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LE NAIN NOIR

occupée sa ferme. Hobbie resta comme anéanti. — Je suis ruiné, s’écria-t-il enfin, encore si ce n’était pas à la veille de mon mariage ! — Mais je ne suis pas un enfant pour rester là à pleurer. Pourvu que je retrouve Grace, ma mère et mes sœurs bien portantes ! Eh bien, je ferai comme mon grand-père, qui alla avec Buccleugh servir en Flandre.

Il s’avança avec fermeté vers le lieu du désastre. Les habitants du voisinage s’y étaient déjà rassemblés. Les plus jeunes s’étaient armés, et ne respiraient que vengeance ; les plus âgés s’occupaient des moyens de secourir la malheureuse famille, à qui la chaumière d’Annaple, située à deux pas de la ferme, servait de refuge.

— Eh bien, disait un grand jeune homme, allons-nous rester toute la journée devant les murailles brûlées de la maison de notre parent ? À cheval, et poursuivons les brigands.

— Le jeune Earnscliff est déjà parti avec six chevaux pour tâcher de les découvrir dit un second interlocuteur.

— Eh bien, suivons-le donc, entrons dans le Cumberland ; brûlons, pillons, tuons ! tant pis pour les plus voisins.

— Un moment, jeune homme, dit un vieillard ; voulez-vous exciter la guerre entre deux pays qui sont en paix ?

— Voulez-vous que nous voyions brûler nos maisons sans nous venger ? Est-ce ainsi qu’agissaient nos pères ?

— Je ne vous dis pas, Simon, qu’il ne faut pas nous venger, mais, de notre temps, il faut avoir la loi pour soi.

— Je doute, remarqua un autre, qu’il existe encore un homme qui sache les formalités à observer quand il faut poursuivre une vengeance légitime au delà des frontières. Tam de Whitram savait tout cela ; mais il est mort dans le fameux hiver.

— Oui, dit un quatrième, il était de la grande expédition quand on se porta jusqu’à Thirwall.

— Bah ! s’écria un autre de ces conseillers de discorde, il ne faut pas être bien savant pour connaître ces formalités. Quand on est sur la frontière, on met une botte de paille enflammée au haut d’une pique ou d’une fourche, on sonne trois fois du cor, on proclame le mot guerre, et alors il est légitime d’entrer en Angleterre pour se remettre, de vive force, en possession de ce qui vous a été pris. Si vous n’en pouvez venir à bout, vous avez le droit de prendre à quelque Anglais l’équivalent de ce que vous avez perdu.

— Eh bien, mes amis, s’écria Simon, à cheval ! nous prendrons avec nous le vieux Cuddy ! il sait le compte des troupeaux et du mobilier perdus ; Hobbie en aura ce soir autant qu’il en avait hier. Quant à la maison, nous ne pouvons lui en apporter une ; mais nous en brûlerons une dans le Cumberland.