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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

le lâche qui avait cherché le plaisir d’une si misérable vengeance.

— Ne le maudissez pas ! reprit-elle ; j’ai entendu dire qu’une malédiction était comme une pierre lancée en l’air, et qui peut retomber sur la tête de celui qui la jette : mais si vous connaissez lord Evandale, conseillez-lui de prendre garde à lui, car j’ai entendu prononcer son nom plusieurs fois par des soldats qui sont ici, et l’un d’eux va souvent à Tillietudlem. On l’appelle Inglis : il est comme le favori de Basile Olifant, quoiqu’il ait été un des plus cruels persécuteurs du pays, si l’on en excepte le brigadier Bothwell.

— Je prends le plus vif intérêt à la sûreté de lord Evandale, dit Morton ; et vous pouvez compter que je trouverai le moyen de lui faire savoir ce que vous venez de m’apprendre. Mais en récompense, permettez-moi une question. Pouvez-vous me donner quelques nouvelles de Quintin Mackell d’Irongray ?

— Des nouvelles de qui ? s’écria la vieille aveugle d’un ton de surprise et d’effroi.

— De Quintin Mackell d’Irongray. Ce nom a-t-il quelque chose d’effrayant ?

— Non…, non, répondit-elle en hésitant. Mais l’entendre prononcer par un étranger ! Que le ciel me protège ! De quel nouveau malheur suis-je encore menacée ?

— Aucun dont je puis être cause. Celui dont je vous parle n’a rien à craindre de moi, si, comme je le suppose, son véritable nom est John Bal…

— Ne prononcez pas ce nom ! s’écria la vieille en mettant un doigt sur sa bouche. Je vois que vous connaissez son secret, je puis donc parler librement. Mais, pour l’amour de Dieu, vous m’assurez bien que votre intention n’est pas de lui nuire ? Cependant vous m’avez dit que vous êtes militaire.

— Il est vrai ; mais un militaire dont il n’a rien à craindre. Je commandais avec lui à la bataille du pont de Bothwell.

— Est-il possible ? Il y a dans votre voix quelque chose qui, à la vérité, inspire la confiance ; et puis vous parlez rondement, sans chercher vos paroles, comme un homme franc et honnête.

— Et j’ose me flatter que je le suis.

— C’est que, Monsieur, dans ce malheureux temps, les frères sont armés les uns contre les autres ; et Burley n’a pas moins à craindre du nouveau gouvernement que de l’ancien.

— Vraiment ! je l’ignorais. Mais je dois vous dire que j’arrive tout récemment des pays étrangers.

— Écoutez-moi donc, dit la vieille : — Vous savez combien il a travaillé pour la délivrance des élus ! Après la déroute de l’armée,