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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

pour écouter celui-là. D’ailleurs, je n’ai jamais perdu l’espérance de vous revoir. Je pensais que je dirigerais toujours la maison, et que j’y aurais encore ma soupe au lait comme du temps de feu votre oncle. Ne serais-je pas assez heureuse de vous voir gouverner sagement vos biens ? Cependant, je crois que vous pourrez vous faire un peu plus d’honneur de votre fortune que le défunt.

— Nous parlerons de cela une autre fois, je ne suis ici que pour quelques jours ; ne dites à personne que vous m’avez vu. Je vous apprendrai plus tard mes motifs et mes intentions.

— Ne craignez rien, mon enfant, je sais garder un secret, et le vieux Milnwood ne l’ignorait pas ! Il m’avait dit où il cachait son argent, et c’est ce qu’on révèle le moins volontiers. Mais venez donc avec moi, que je vous montre le salon lambrissé : vous verrez qu’il est tenu aussi proprement que si vous eussiez été attendu tous les jours.

Elle le conduisit dans ce sanctum sanctorum dont le soin faisait son occupation journalière. Morton, en y entrant, fut grondé parce qu’il n’avait pas essuyé ses pieds. Il se rappela qu’étant enfant, il éprouvait un respect religieux lorsque, dans de grandes occasions, on lui permettait d’entrer un instant dans ce salon. Deux objets cependant, les portraits de deux frères lui firent éprouver des sensations opposées. L’un représentait son père, couvert d’une armure complète, dans une attitude qui indiquait son caractère mâle et déterminé ; l’autre représentait son oncle : revêtu d’un habit de velours, avec des manchettes et un jabot de dentelles, Milnwood paraissait honteux et surpris de sa parure, quoiqu’il ne la dût qu’à la libéralité du peintre.

— C’est une singulière idée, dit Alison, d’avoir donné à ce pauvre cher homme un si bel habit, et tel qu’il n’en a jamais porté.

Morton ne put s’empêcher de partager cette opinion ; car un habit habillé n’aurait pas convenu à la tournure gauche et ridicule du défunt.

Il quitta Alison pour aller visiter le parc et les jardins, et elle profita de cet intervalle pour ajouter quelque chose au dîner.

Mistress Wilson assaisonna le repas de souvenirs du bon vieux temps et de projets pour l’avenir, représentant toujours Henry comme le maître du château, et se peignant elle-même comme remplissant avec zèle et dextérité ses anciennes fonctions. Morton laissa la bonne femme s’amuser à bâtir des châteaux en l’air, et se réserva de lui faire part dans un autre moment de la résolution qu’il avait formée de retourner sur le continent et d’y finir ses jours.

Le repas terminé, il alla quitter son costume militaire, pour y