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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Vous êtes fou, ou il y a là-dessous quelque noir complot. — Je vais tâcher de trouver la clef de ce mystère.

Toutes les recherches de lord Evandale n’aboutirent à rien. Jenny seule aurait pu lui donner l’explication qu’il désirait ; mais elle jugea que son intérêt exigeait qu’elle laissât la vérité dans les ténèbres. Elle avait fort adroitement profité des premiers moments de confusion pour faire disparaître de la chambre voisine toutes traces qui auraient pu prouver que quelqu’un y avait passé la nuit. Il était évident qu’il avait aussi passé près d’Holliday dans le jardin, et Jenny apprit de l’aîné de ses garçons, par qui elle avait fait seller le cheval de l’étranger, qu’il avait couru à l’étable, qu’ensuite il s’était dirigé au galop vers la Clyde. Le secret était donc renfermé dans la famille de Jenny, et elle était résolue à ne pas l’en laisser sortir.

Quant à Holliday, tout ce qu’il put dire, c’est qu’au moment où il entrait dans le jardin, l’esprit avait paru à ses côtés, et qu’il avait fui avec un air de colère mêlée de douleur. — Je l’ai fort bien reconnu, ajouta-t-il ; je ne pouvais m’y tromper, puisqu’il a été sous ma garde quand il était prisonnier ; et j’avais dressé son signalement pour le cas où il parviendrait à s’échapper.

Lady Emilie déclara qu’elle avait bien certainement vu un homme se retirer de la fenêtre.

Lord Evandale se trouva contrarié au plus haut degré, en voyant renversé par cette aventure un plan qu’il avait adopté moins encore pour assurer son propre bonheur que pour mettre Edith à l’abri de tout événement. Il la connaissait trop bien pour la supposer capable d’avoir cherché un prétexte pour se soustraire à l’exécution de sa promesse ; mais il aurait attribué à une imagination exaltée l’apparition qu’elle prétendait avoir vue, n’eût été le témoignage d’Holliday, qui n’avait aucun motif pour penser en ce moment à Morton plutôt qu’à toute autre personne. Mais s’il avait trop d’esprit pour croire aux apparitions, lord Evandale trouvait tout aussi difficile de croire que Morton, qui, pensait-il, avait perdu la vie avec tout l’équipage du vaisseau le Wryheid de Rotterdam, eût échappé à la mort par miracle ; qu’il eût été près de cinq ans sans donner de ses nouvelles, et que toutes les recherches faites pour s’assurer de son existence eussent été infructueuses. Enfin, en supposant qu’il fût vivant et en Écosse, quelle raison pouvait l’obliger à se cacher, maintenant que son parti triomphait, que la révolution survenue dans le gouvernement lui permettait de se montrer, et que tous ceux qui avaient été bannis par les Stuarts avaient été rappelés par Guillaume lors de son avènement au trône ?

Quelques heures après cette aventure, lord Evandale eut une