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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Il était mécontent du gouvernement, parce qu’on n’avait pas voulu annuler en sa faveur le testament que le comte de Torwood avait fait au profit de sa fille ; de lady Marguerite, parce qu’elle lui avait refusé miss Bellenden ; et de cette dernière, parce qu’elle ne pouvait souffrir sa gaucherie et sa grande taille. Il entra donc en correspondance avec Burley, et fit une levée d’hommes dans le dessein de le secourir s’il n’avait pas besoin de secours, c’est à dire si vous nous aviez battus hier. Aujourd’hui que nous sommes vainqueurs, le coquin change de ton. On fera pendre ou fusiller quelques douzaines de malheureux fanatiques, tandis que ce fourbe jouira de l’honneur.

En conversant ainsi, ils parvinrent à trouver moins longue la route.

Ils arrivèrent à Édimbourg, leur suite s’étant augmentée de divers détachements de cavalerie qui amenaient un plus ou moins grand nombre de prisonniers.

Au moment d’entrer en ville, Claverhouse dit à Morton :

— Je sais que le conseil privé a décidé que nous ferions une espèce d’entrée triomphale, traînant à notre suite nos captifs, comme le faisaient les généraux romains. Mais je n’aime pas à me donner en spectacle, et je veux vous épargner le désagrément de figurer dans cette exhibition.

Le général appela Allan ; puis, prenant un chemin détourné, il gagna, suivi de quelques domestiques, la maison qu’il occupait dans une des principales rues d’Édimbourg. Dès leur arrivée, il conduisit Morton dans un appartement où il le laissa seul en lui disant qu’il comptait sur sa parole de ne pas en sortir.

Morton réfléchissait sur les vicissitudes qu’il avait éprouvées depuis un mois, quand, au bout d’un quart d’heure, il entendit dans la rue une grande rumeur, ce qui l’engagea à s’approcher de la fenêtre. Les trompettes, les clairons et les tambours se faisaient entendre au milieu des acclamations de la multitude, et annonçaient l’arrivée de la cavalerie royale. Les magistrats étaient allés recevoir les vainqueurs à la porte de la ville, et ils marchaient en tête de la pompe triomphale, précédés de leurs hallebardiers. Derrière eux s’élevaient au bout des piques les têtes de deux rebelles à qui on avait aussi coupé les mains, et par une barbare dérision, les hommes qui portaient ces dernières les rapprochaient souvent l’une de l’autre dans l’attitude de la prière. Ces trophées sanglants appartenaient à deux prédicateurs massacrés à Bothwell-Bridge. Ensuite venait une charrette conduite par le valet de l’exécuteur des hautes-œuvres, sur laquelle étaient placés Macbriar et deux autres prisonniers : tête nue, chargés de fers, ils ne sem-