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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

exige des enquêtes si minutieuses sur des individus si obscurs ?

— Supposez-vous que ce soit nous qui prenions cette peine ? Les desservants de chaque paroisse recueillent ces renseignements pour eux-mêmes : ils connaissent mieux que personne les brebis noires du troupeau. Il y a trois ans que j’ai votre portrait.

— En vérité ! voudriez-vous me faire le plaisir de me le montrer.

— Je n’y vois pas d’inconvénient ; car, devant quitter l’Écosse pour quelques années, vous ne pouvez vous venger du peintre.

Ces mots, prononcés d’un air d’indifférence, firent tressaillir Morton, car ils lui annonçaient l’exil loin de son pays natal. Avant qu’il pût répondre, Claverhouse ouvrit encore le registre, et lut ce qui suit : — Henry Morton, fils de Silas Morton, colonel de cavalerie pour le parlement d’Écosse, neveu de Morton de Milnwood. — Éducation imparfaite, mais un courage au-dessus de son âge. — Adroit à tous les exercices. — Indifférent pour les formes de religions, mais penchant pour le presbytérianisme. — À des idées exaltées et dangereuses sur la liberté de penser et d’écrire. — Flotte entre les opinions des latitudinariens et celles des enthousiastes. — Fort aimé de tous les jeunes gens des environs. — D’un caractère doux, modeste et tranquille, et cependant un esprit ardent, une tête de feu. — Vous voyez, monsieur Morton, que ces mots sont suivis de trois croix rouges, ce qui signifie trois fois dangereux. Vous étiez donc un homme important à surveiller. — Mais que me veut ce messager ?

Un homme à cheval s’approcha du général, et lui remit une lettre. Claverhouse l’ouvrit, la lut, puis s’adressant au courrier : — Dites à votre maître qu’il envoie ses prisonniers à Édimbourg.

Se tournant ensuite vers Morton : — C’est, reprit-il, un de vos alliés, qui abandonne votre cause. Écoutez son style : — « Je supplie Votre Excellence de recevoir mes humbles félicitations sur la victoire que l’armée de Sa Majesté vient de remporter. J’ai l’honneur de vous donner avis que j’ai fait prendre les armes à mes vassaux pour arrêter les fuyards. J’ai déjà fait plusieurs prisonniers, etc. Signé Basile Olifant. » — Vous le connaissez sans doute de nom ?

— N’est-ce pas un parent de lady Marguerite Bellenden ?

— Le dernier héritier mâle du père de cette dame, quoiqu’à un degré fort éloigné ; amoureux de la belle Edith, qui lui a été refusée parce qu’il en était indigne ; mais surtout admirateur du domaine de Tillietudlem avec toutes ses dépendances.

— En entretenant des liaisons avec notre parti, il prenait un mauvais moyen de recommandation auprès de cette famille.

— Oh ! mais le prudent Basile est homme à jouer différents rôles.