Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
284
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Ce sont des chevaux, s’écria Macbriar ; voyez qui ce peut être.

— C’est l’ennemi ! répondit un des assistants.

Le bruit des hommes et des chevaux se fit entendre alors auprès de la maison, et tous les caméroniens se mirent en mouvement, les uns pour se défendre, les autres pour prendre la fuite. Au même instant, la porte et les fenêtres furent forcées, et plusieurs dragons du régiment des gardes entrèrent dans la chambre.

— Feu sur les rebelles ! souvenez-vous du cornette Grahame ! — Ce cri fut répété de toutes parts, et aussitôt plusieurs coups de pistolet partirent.

À la première décharge, un des whigs qui se trouvait à côté de Henry tomba sur lui blessé mortellement, et l’entraîna dans sa chute ; circonstance qui sauva la vie à Morton.

Dès que les dragons furent maîtres du champ de bataille : — Le prisonnier que gardaient ces misérables est-il sauvé ? dit la voix bien connue de Claverhouse. Qu’on le cherche, et qu’on me dépêche ce chien dont les gémissements me fatiguent.

Les deux ordres furent exécutés. On acheva un blessé qui respirait encore, et Morton, débarrassé du cadavre qui pesait sur lui, fut relevé par le bon Cuddy, qui put à peine modérer sa joie.

— Tout en cherchant quelques soldats de notre division pour vous tirer des mains de ces furieux, lui dit-il à la hâte et à demi-voix, j’ai rencontré le parti de Claverhouse, et me trouvant entre le diable et la mer, amenons plutôt le diable, me suis-je dit, car il sera fatigué d’avoir tué toute la nuit, et d’ailleurs il sait que vous avez sauvé lord Evandale, et ensuite les dragons m’ont dit que le duc accorde quartier à tous ceux qui le demandent. Ainsi donc il n’y a qu’à prendre courage, j’espère que tout finira bien[1].

  1. délivrance de morton.

    Cet incident m’a été suggéré par une aventure arrivée à un inspecteur de l’accise.

    Un soir d’été il se promenait à cheval dans la campagne, quand il se trouva subitement en face d’une troupe de contrebandiers les plus hardis du pays. Ils l’entourèrent sans se porter à aucune violence, mais de manière à lui prouver qu’on y aurait recours au besoin, et ils lui firent entendre que puisque le hasard leur avait procuré le plaisir de sa présence, il passerait la soirée dans leur compagnie. Faisant de nécessité vertu, il les suivit et se mit à table avec eux. Ces gens commencèrent à boire, à se permettre de grossières plaisanteries, tandis que leur prisonnier, obligé de prendre leur insolence pour de l’esprit, répondait à leurs insultes avec un air de bonne humeur, et leur enlevait ainsi l’occasion qu’ils cherchaient de l’engager dans une querelle afin d’avoir le prétexte de le maltraiter. Il y réussit d’abord ; mais bientôt il se convainquit qu’ils attendaient pour se livrer à leur cruauté que le jour du sabbat fût terminé. Ils étaient assis autour de leur prisonnier inquiet, murmurant à l’oreille les uns des autres des mots terribles, et surveillant l’aiguille d’une horloge, lorsque la victime entendit dans le lointain un bruit qui ressemblait à celui du vent parmi les feuilles ; ce bruit s’approcha, et l’on aurait dit un ruisseau débordé qui franchit ses limites avec fureur ; enfin on distingua parfaitement le galop d’un détachement de cavalerie. C’était un secours dû à la sollicitude de son épouse.