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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Les défenseurs du pont ralentirent forcément leur feu ; celui des assaillants, au contraire, devenait plus nourri et plus meurtrier. Excités par les exhortations et l’exemple de leurs généraux, ceux-ci parvinrent à s’établir sur le pont, et commencèrent à écarter tout ce qui s’opposait à leur marche, non sans difficulté cependant, car Morton et Burley, toujours à la tête de leurs compagnons, les encourageaient à opposer aux baïonnettes des gardes, leurs piques, leurs hallebardes, leurs pertuisanes. Malheureusement, à la vue d’une lutte si inégale, ceux qui étaient aux derniers rangs reculaient peu à peu, se détachaient par deux, par trois, pour rejoindre le gros de l’armée, si bien qu’enfin les autres, cédant à la pression des colonnes ennemies, durent renoncer à la défense du passage. L’ennemi y pénétra en foule, mais il était étroit et long, ce qui rendait les mouvements dangereux et lents.

Burley et Morton étaient auprès l’un de l’autre dans ce moment critique. — Si la cavalerie les chargeait avant qu’ils fussent rangés en ordre de bataille, dit le premier, nous pourrions encore les repousser et reprendre le pont. Allez lui ordonner de marcher ; je tâcherai de tenir bon jusqu’à son arrivée.

Morton reconnut l’importance de cet avis, et courut au galop vers la cavalerie de l’aile gauche. Mais, avant qu’il eût pu donner ses ordres, il fut salué par les malédictions de ce corps tout entier, qui n’était composé que de caméroniens : — Il fuit ! s’écria-t-on ; il fuit, le lâche, le traître ! Il a abandonné le brave Burley.

— Je ne fuis pas ; je viens au contraire vous conduire à l’ennemi. Voici l’instant de l’attaquer : suivez-moi !

— Ne le suivez pas ! cria-t-on.

Tandis que Morton employait inutilement les prières, les persuasions, les reproches, le moment de faire une utile diversion était passé ; Burley, repoussé avec le petit nombre d’hommes qui lui restaient, était obligé de se replier sur le gros de l’armée, à qui le spectacle de sa retraite ne rendit pas la confiance qui lui manquait.

Cependant les troupes royales, maîtresses de la position, se formaient en bataille dans la plaine. Claverhouse passa le pont à la tête de ses cavaliers, au galop, puis les conduisant par escadrons autour des rangs de l’infanterie, il les réunit sur le terrain, et commença la charge avec un corps considérable, pendant que deux autres divisions menaçaient les flancs des covenantaires. Cette malheureuse armée était alors dans cette situation où l’approche d’une attaque suffit pour inspirer une terreur panique ; le découragement la rendit incapable de soutenir le choc.

Le champ de bataille n’offrait plus qu’une scène d’horreur et de confusion. Enfoncés de toutes parts, les presbytériens ne songeaient