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LE NAIN NOIR

sation sur ses affaires personnelles. Il acceptait les choses nécessaires à la vie, mais rien au delà, quoique Earnscliff par humanité, et les habitants du canton par crainte superstitieuse, lui offrissent bien davantage. Il récompensait ceux-ci par des conseils lorsqu’il était consulté sur leurs maladies et celles de leurs troupeaux, leur fournissant même, non seulement les médicaments tirés des simples qui croissaient dans le pays, mais encore des médicaments coûteux, produit de climats étrangers. On juge bien que cela ne faisait que confirmer le bruit de ses liaisons avec des êtres invisibles. Avec le temps, il fit connaître qu’il se nommait Elshender-le-Reclus, nom que les habitants du pays changèrent en celui du bon Elshie, ou le Sage de Mucklestane-Moor.

Ceux qui venaient le consulter déposaient ordinairement leur offrande sur une pierre peu éloignée de sa demeure. Était-ce de l’argent, quelque autre objet qu’il ne lui convînt pas d’accepter, il le jetait loin de lui, ou bien encore il affectait de ne pas vouloir y toucher. Dans toutes ces occasions, ses manières étaient celles d’un misanthrope bourru ; il ne prononçait que le nombre de mots strictement nécessaire pour répondre à la question qu’on lui adressait, et si l’on voulait lui parler de choses indifférentes, il rentrait chez lui.

Lorsque l’hiver fut passé, Elshender commença à récolter quelques légumes dans son jardin, et il en fit sa principale nourriture. Earnscliff, était alors parvenu à lui faire accepter deux chèvres qui se nourrissaient dans la plaine, et qui lui fournissaient du lait, résolut de lui faire une visite.

Le vieillard s’asseyait ordinairement sur un banc de pierre, près de la porte de son jardin, et c’était là son siège quand il était disposé à donner audience, car il n’admettait personne dans l’intérieur de son habitation. Lorsqu’il était enfermé chez lui, aucune prière n’aurait pu le déterminer à se rendre visible ou à donner audience.

Earnscliff donc avait été pêcher dans un ruisseau, voyant l’ermite sur son banc, il vînt s’asseoir sur une pierre qui était en face, ayant en main sa ligne et un panier dans lequel étaient quelques truites. Habitué à sa présence, le Nain ne donna d’autre signe qu’il l’avait vu qu’en levant les yeux un moment. S’apercevant qu’Elshender avait adossé à sa demeure un petit abri pour ses deux chèvres, il lui dit :

— Vous travaillez beaucoup, Elshie.

— Travailler ! s’écria le Nain ; c’est le moindre des maux de la misérable humanité. Il vaut mieux travailler comme je le fais, que de chercher des amusements tels que les vôtres.