Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
263
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

perroquet, et qu’on avait amené prisonnier dans mon château.

Charmée de voir que l’enquête ne la concernait pas personnellement, Jenny jeta promptement les yeux sur sa jeune maîtresse, pour tâcher de lire dans ses regards ce qu’elle devait répondre. N’y apercevant rien qui pût la guider.

— Je ne crois pas que ce soit lui, Milady, répondit-elle.

— Vous êtes donc aveugle, Jenny ? dit le major.

— Quel bonheur, dit lady Marguerite, que nous soyons hors des mains de ce fanatique forcené !

— Vous vous trompez, Milady reprit lord Evandale ; personne ne doit donner ce nom à M. Morton. Si je vis encore, si vous vous trouvez libre et en sûreté, c’est à lui seul que nous en sommes redevables.

Alors il fit le récit des événements que le lecteur connaît déjà.

— Je serais heureux d’avoir une bonne opinion de Henry Morton, Milord, dit le major, et je conviens que sa conduite envers vous et envers nous est digne d’éloges ; mais il m’est impossible de lui pardonner d’avoir embrassé le parti des rebelles.

— Faites donc attention, répliqua lord Evandale, que la nécessité l’a jeté dans leurs rangs ; je dois même ajouter que ses principes me paraissent respectables. Claverhouse, à qui personne ne contestera le talent de se connaître en hommes, a démêlé en M. Morton des qualités extraordinaires ; malheureusement il a mal jugé de ses dispositions, et il l’a poussé à la rébellion sans le vouloir, sans que M. Morton lui-même en eût le projet.

— Vous avez apprécié bien vite toutes ses bonnes qualités. Milord ; moi qui le connais depuis son enfance, j’aurais avant cette affaire rendu justice à son bon cœur, quant à ses talents…

— Ils étaient donc cachés jusqu’à ce qu’une circonstance vînt les développer. Si je les ai reconnus, major, c’est parce que nous avons conversé sur des sujets importants. Il travaille en ce moment à éteindre le feu de la rébellion, et les conditions qu’il propose, et que je me suis chargé de présenter au duc de Monmouth, sont si raisonnables, que je les appuierai de tout mon pouvoir.

— Et avez-vous quelque espoir de réussir dans une tâche si difficile ? dit lady Marguerite.

— J’en aurais beaucoup, si tous les whigs étaient aussi modérés que M. Morton, et tous les royalistes aussi désintéressés que le major. Mais tel est l’entêtement des deux partis, que je crains qu’il ne faille recourir à l’épée pour vider la querelle.

On peut croire qu’Edith écoutait cette conversation avec intérêt. Elle regrettait d’avoir parlé à son amant avec trop de dureté ; mais