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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

motta Cuddy. À la voir me jeter sur la tête des marmites de soupe bouillante, on n’aurait pas cru qu’il y eût disette au château.

Quelque faible qu’elle fût, Jenny ne put s’empêcher de rire de cette allusion. Accablé de son état, et réfléchissant avec horreur à l’extrême détresse des habitants de Tillietudlem, Morton réitéra ses ordres à Headrigg, d’un ton qui n’admettait pas de réplique ; et quand il fut parti : — Je présume, dit-il à Jenny, que c’est par ordre de votre maîtresse que vous êtes venue ici pour tâcher de voir lord Evandale ? Que désire-t-elle ? ses souhaits seront des ordres pour moi.

Jenny parut réfléchir. — Vous êtes un si ancien ami, monsieur Morton, qu’il faut que j’aie confiance et vous dise la vérité.

— Le meilleur moyen de servir votre maîtresse est de me parler avec franchise.

— Eh bien, vous savez que nous mourrons de faim depuis huit jours : le major jure tous les matins qu’il attend du secours, et qu’il ne rendra le château qu’après avoir mangé ses vieilles bottes. Les dragons ne se soucient pas de mourir de faim. Depuis que lord Evandale est prisonnier, ils n’écoutent plus personne, et je sais qu’Inglis a le projet de livrer le château à Burley, avec les dames et le major, s’il peut obtenir la vie sauve pour lui et ses soldats.

— Les coquins ! et pourquoi n’en demandent-ils pas autant pour tous ceux qui sont dans le château ?

— C’est qu’ils ont peur de ne pas obtenir quartier pour eux-mêmes. Burley en a déjà fait pendre un ou deux ; de sorte qu’ils songent à tirer leur tête du collier aux dépens des honnêtes gens.

— Et vous veniez faire part à lord Evandale de cette nouvelle ?

— Oui, monsieur Henry ; Holliday m’a tout conté, et m’a aidée à sortir du château pour que je vinsse en informer lord Evandale.

— Mais que peut-il pour vous, étant prisonnier ?

— Cela, est vrai… Mais il peut faire des conditions pour nous… il peut nous donner quelques bons avis… il peut…

— S’évader, dit Morton en souriant, si vous trouvez la possibilité de lui en faciliter les moyens.

— Quand cela serait, répliqua Jenny ce ne serait pas la première fois que j’aurais tâché d’être utile à un malheureux prisonnier.

— Je le sais ; je ne me pardonnerais pas de l’avoir oublié. — Mais voici Cuddy ; prenez quelque nourriture, et je me charge de votre commission pour lord Evandale.

— Il faut que vous sachiez, monsieur Henry, dit Cuddy que cette maligne Jenny Dennison cherchait à gagner Tom Rand, le garçon meunier, qui est de faction à la porte de lord Evandale, pour