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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

depuis que j’ai soin de lui il n’a pas moins bonne mine que lorsque vous en étiez chargée. L’avez-vous jamais vu si bien ?

— En honneur et en conscience, dit la bonne Alison en jetant un regard sur son jeune maître, il a tout à fait bonne tournure. Oh ! jamais vous n’avez eu si belle cravate à Milnwood. Ce n’est pas moi qui l’ai ourlée !

— Non, répliqua Cuddy. Elle vient de lord Evandale.

— De lord Evandale ? de celui que les whigs doivent pendre demain.

— Pendre lord Evandale ? s’écria Morton vivement agité.

— C’est bien sûr, dit Alison. La nuit dernière il a fait une sortie avec des dragons pour tâcher de se procurer des vivres ; mais les soldats ont été repoussés, et lui a été fait prisonnier ; si bien que Burley a fait dresser une potence, et a juré que si le château ne se rendait pas demain matin, lord Evandale serait pendu. — Mais allons, monsieur Henry, entrez ; il ne faut pas que cela vous empêche de dîner.

— Qu’ils aient mangé ou non, sellez les chevaux ! Il n’y a pas un instant à perdre, Cuddy.

Résistant à toutes les instances d’Alison, ils se remirent en route, et Morton ne manqua pas de s’arrêter chez Poundtext pour l’engager à se rendre au camp avec lui.

Le vénérable ministre avait repris pour un instant ses habitudes pacifiques. Une pipe à la bouche, une pinte de bière devant lui, il était appuyé sur une table, et paraissait très peu disposé à quitter ce qu’il appelait ses études, pour se remettre en chemin aux approches de la nuit ; mais quand il eut appris ce dont il s’agissait, il renonça au projet qu’il avait formé de passer chez lui une soirée tranquille. Comme Morton, il pensa que, quoiqu’il pût convenir aux vues particulières de Burley de rendre impossible une réconciliation entre les presbytériens et le gouvernement en mettant à mort lord Evandale, l’intérêt du parti modéré était diamétralement opposé à cette mesure. D’ailleurs, pour rendre justice à Poundtext, il ne s’était jamais montré partisan des moyens extrêmes.

Il était onze heures du soir quand ils arrivèrent dans un hameau situé près du château de Tillietudlem, où Burley avait établi son quartier général. Une sentinelle les arrêta à l’entrée ; mais s’étant nommés, ils se firent conduire auprès du chef. Dès qu’il vit entrer ses deux collègues, il se leva précipitamment. — Qui vous amène ici ? s’écria-t-il : apportez-vous de mauvaises nouvelles de l’armée ?

— Non, répondit Morton ; mais nous apprenons qu’il se passe ici des choses qui pourraient compromettre sa sûreté. Lord Evandale est prisonnier.