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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

pas prévu que parmi ces derniers il y en eût qui s’exposeraient à ce danger précisément pour en éviter un autre.

C’était là que se trouvait une certaine fenêtre de la cuisine.

— Voilà un endroit que je connais bien, dit Cuddy. Combien de fois n’ai-je pas aidé Jenny Dennison à sortir par cette fenêtre ! Combien de fois y ai-je passé moi-même !

— Et qui nous empêche d’y grimper maintenant ? lui demanda un de ses camarades qui était un gaillard entreprenant.

— Je ne vois pas ce qui nous en empêcherait, répondit-il ; mais que nous en reviendra-t-il ?

— Ce qui nous en reviendra ? Nous sommes cinq ; il n’y a plus personne dans le château : nous nous en emparerons pendant qu’on se bat entre les palissades.

— À la bonne heure ; mais songez-y bien ! que pas un de vous ne touche Jenny, ni miss Edith, ni lady Margaret, ni le vieux major, ni personne. Quant aux soldats, Je ne m’en inquiète pas.

— Allons ! reprit l’autre : entrons d’abord ; nous verrons ensuite ce que nous aurons à faire.

Cuddy, poussé par ses compagnons, semblait avancer à regret. Sa conscience lui disait tout bas qu’il allait bien mal reconnaître les bontés que lady Marguerite avait eues si longtemps pour lui et pour sa famille ; et d’une autre part, il ne savait pas de quelle manière il pouvait être reçu dans la pièce où il s’agissait d’entrer. Cependant il grimpa, les autres s’apprêtèrent à le suivre. La fenêtre fort étroite, avait été garnie de barreaux de fer ; mais le temps les avait détachés. Il était donc facile de s’introduire par là, pourvu qu’à l’intérieur il ne se trouvât personne pour y mettre obstacle ; ce dont Cuddy, toujours prudent, voulait s’assurer. N’écoutant donc ni les prières ni les menaces de ceux qui le suivaient, il allongeait le cou pour regarder au dedans, quand sa tête fut aperçue par Jenny Dennison, qui s’était établie dans la cuisine comme dans un lieu de sûreté. Elle poussa un cri épouvantable, courut à la cheminée où elle venait de mettre sur le feu une grande marmite pleine de soupe, prit cette marmite, revint à la fenêtre, et criant ; — Au meurtre ! le château est pris, — elle en déchargea le contenu sur la tête de Cuddy.

Servie d’une autre façon, la soupe aurait sans doute été un régal pour lui ; mais à la manière dont elle lui fut administrée, il aurait été guéri pour le reste de ses jours de l’envie de se faire soldat, s’il eût en ce moment levé les yeux. Heureusement pour notre homme de guerre qu’il avait pris l’alarme au premier cri de Jenny, et qu’il s’expliquait avec ses camarades, baissant la tête pour leur dire combien il était urgent de battre en retraite ; de sorte que le